Héritière de la dictature, la police n’a pas changé. On aurait espéré un sursaut de conscience, après les violences du ministère des Droits de l’Homme, après les matraquages féroces des manifestants de l’Union des Diplômés Chômeurs du 7 avril. Mais visiblement le même scénario désormais bien rôdé s’est répété.
Ce lundi 9 avril, c’est un nuage noir, au sens propre du terme, qui s’est abattu sur la principale artère de la capitale, l’avenue Habib Bourguiba. Le gaz lacrymogène a envahi le paysage, bouchant la vue. Sans doute une manière de présenter l’avenue sous un nouveau jour aux touristes. Des policiers en civil armés de lance-lacrymogène ont ainsi planté le décor.
Les manifestants étaient pourtant au rendez-vous. Pas moins de deux milliers de nos citoyens sont descendus dans la rue pour célébrer, en ce lundi 9 avril, la fête des Martyrs. Ils ont voulu braver l’interdiction de défiler sur l’avenue Habib Bourguiba formulée le 28 mars par le ministère de l’Intérieur. Ils feront face à la machine répressive, comme «au bon vieux temps».
Visiblement la police a désormais une interprétation originale de l’égalité des citoyens devant la loi. La matraque s’abattra désormais sur la tête de tout Tunisien qui ose manifester son mécontentement dans l’avenue interdite. Sans distinction de classe ou de profession ou de sexe. Homme, femme, journalistes, politiciens, députés, artistes, blogueurs, avocats, tous auront droit à une raclée distribuée «gracieusement» par les policiers. La répression n’épargnera même pas les journalistes étrangers. Une correspondante de l’hebdomadaire français «Le Point» aura ainsi été violentée par la police. A défaut de libertés, on aura l’égalité de traitement. Matraque pour tous.
Ces dépassements auront donc été relayés par la presse internationale, alors que les autorités regrettent que les médias ne reflètent qu’une image négative de la Tunisie d’après la Révolution. Et voici qu’ils prétendent redorer le blason de notre pays en agressant les journalistes étrangers. Ceux-là mêmes que le gouvernement a tenté de courtiser, à coups de campagne publicitaire payée en devises.
Résultat des courses ? L’agence internationale Associated Press publiera : «Rues jonchées de pierre, emplies de l'odeur asphyxiante du lacrymogène, voitures de police sillonnant la capitale, l'atmosphère à Tunis ressemblait un peu aux jours de braise du soulèvement populaire qui a causé la chute du régime totalitaire de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011».
Ali Laâridh n’aura pas voulu reculer, en laissant les manifestants outrepasser ses instructions. L’image du gouvernement est-elle pour autant épargnée ? Bien au contraire. Elle a été au moins aussi malmenée que les manifestants de ce 9 avril. Ce qui risque même d’éclabousser les partenaires d’Ennahdha au pouvoir, à savoir Ettakatol, et le Congrès Pour la République. Pour ceux qui l’auraient oublié, le président de la République, M. Moncef Marzouki, fondateur du CPR, est un militant des Droits de l’Homme. Se taira-t-il encore longtemps devant les dépassements de son puissant partenaire ?
Lotfi Ben Cheikh