Le mouvement d’inspiration islamique tente le passage en force. En ce samedi 7 janvier, le premier ministre Hamadi Jebali se permet de nommer lui-même, de nouveaux responsables, à la tête des principaux médias gouvernementaux, sans consulter les institutions qui encadrent la profession.
Une nomination qui intervient un samedi soir, comme pour faire passer en douce une décision susceptible de déplaire au plus grand nombre. Un peu comme si on voulait faire passer en catimini une augmentation du prix du pain.
Une surprise ? Pas vraiment. Les membres d’Ennahdha au plus haut niveau ont multiplié les déclarations de mécontentement à l’égard d’une presse nationale considérée comme peu docile, et rétive à chanter les louanges du nouveau régime. Om Zied, alias Neziha Rjiba a même souligné le besoin du «tbenndir» qui s’est fait ressentir du côté du gouvernement Jebali.
Rached Ghannouchi, lui-même, fera état de son irritation dans une conférence intra-nahdhaoui dont l’enregistrement vidéo a fait le tour du pays. Ainsi, selon le président d’Ennahdha, les médias s’appesantissent trop sur les problèmes, et ne soulignent pas assez, à son goût, les réussites et les promesses des lendemains qui chantent. Mais ce qui n’était jusqu’ici que récriminations et marques d’agacements cèdent la place à une manœuvre pour le moins controversée.
Une chose est sûre : la nomination des directeurs de la chaîne de télévision nationale, des deux quotidiens La Presse et Essahafa, de l’agence Tunis Afrique Presse, par l’exécutif, ne peut en aucun cas être considérée comme digne des pays démocratiques. Encore moins d’un pays fraîchement débarrassé d’une dictature qui avait réduite la presse à un portevoix domestiqué du régime.
Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) n’a pas tardé à réagir, par la bouche de sa présidente, Mme Néjiba Hamrouni, qui a exprimé son véhémentement son désaccord. Kamel Laabidi, le président de l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Informations et de la Communication a même fait remarquer, que Béji Caid Essebsi, lui, aurait au moins consulté les représentants de la profession avant de prendre de telles décisions.
Et les Tunisiens auront constaté l’absence, dans les kiosques d’hebdomadaires français, comme Le Point, et L’Express, sans que l’on puisse réellement déterminer les responsabilités, dans ce qui semble signer le retour d’une censure à peine déguisée. Quelques agitateurs des réseaux sociaux où Ennahdha dispose d’une force de frappe non-négligeable, se sont acharnés désormais sur ce qu’ils considèrent comme une presse opposée aux menées nahdhaouies. Et visiblement, pour reprendre la main, leur parti n’hésitera pas à recycler les hommes de l'ancien régime, si le besoin s’en fait ressentir.
En clair, ceux qui pensaient qu’Ennahdha allait rompre définitivement avec les ruines du benalisme en seront donc pour leur frais. Et voici que dans la Tunisie d’après la Révolution, on aiguise de nouveaux les second couteaux novembristes .
Moez El Kahlaoui