Vendredi, 20 Avril 2012 01:50

alwatanya TunisieLes médias tunisiens sont de nouveau sur la sellette. Amer Laârayedh, député d’Ennahdha, a ainsi lancé, au cours d’un débat diffusé le 16 avril sur la chaîne nationale, que la privatisation d’Al Watanya était possible. Une idée qui a visiblement fait son chemin du côté du principal parti gouvernemental, puisque Rached Ghannouchi l’a également évoquée.

C’est du sérieux, donc. Et les Tunisiens risquent de ce fait d’être privés de ce service public médiatique. Une nouvelle d’autant plus frustrante, que la chaîne nationale grappille tous les jours plus de points d’audience, et son journal télévisé est désormais considéré comme incontournable par la majorité de nos concitoyens.

Qui a peur d’Al Watanya ?
Selon les chiffres du mois de février 2012 prodigués par l’agence Sigma Conseil, Al Watanya caracole en tête avec un taux de pénétration de 37,9%, contre 15,5% pour Hannibal TV et 7,1% pour Ettounsia. Al Jazeera, qui cartonnait avant la Révolution, doit désormais se contenter d’un tout petit 6,6%. Une hiérarchie qui n’a certainement pas l’heur de plaire aux dirigeants d’Ennahdha.

D’autant plus que le boycott des journalistes des activités du ministre de l’Intérieur, Ali Laâridh, a été ressenti comme une provocation. Or en l’occurrence, la décision de ne pas couvrir les activités ministérielles font suite à l’agression de 16 journalistes, dont 14 tunisiens, par les forces de police, lors de la manifestation du 9 avril.

Mais les Nahdhaouis n’en démordent pas : de nombreux professionnels des médias sont toujours pourris. Ce en quoi ils n’ont pas tout à fait tort. Pis : des ripoux continuent encore de faire la pluie et le beau temps. Or le problème, c’est que le parti de Rached Ghannouchi a même propulsé à la tête d’institutions nationales de l’information des «mauves» patentés. Une erreur de casting ? Peut-être.

Les petits secrets du ministère de l’Intérieur
Ce qui est pour le moins surprenant, c’est que le ministère de l’Intérieur dispose dans ses archives de tous les éléments permettant d’incriminer les brebis galeuses de la profession, celles qui ont mangé dans les râteliers du benalisme, et qui ont tondu la laine sur le dos de leurs collègues. Les flics déguisés en reporters, les faux journaleux mais vrais rapporteurs, les délateurs de bas étages, les espions des salles de rédaction, émargeaient en effet souvent des services de la police politique. Or rien ne filtre aujourd’hui des services du ministère de l’Intérieur. Rien. Pas même un nom à mettre sous la dent des sit-inneurs qui campent devant le siège de la télévision nationale. Pour le moins paradoxal, quand on appelle à cors et à cris à l’assainissement du secteur.

Alors que sur d’autres domaines, les réseaux sociaux bruissent de rumeurs, et de diffusions d’enregistrements de toute sorte, visant explicitement des personnalités de l’ancien régime, et même des opposants. A ce petit jeu, Ali Laâridh lui-même n’a pas été épargné, sans même parler de personnalités comme Kamel Letaief, qui ont carrément eu droit à un feuilleton. Sans parler des «informations chaudes» plus ou moins documentées, et dont l’origine est parfois cousue de fil blanc.

Du côté des journalistes, des directeurs de journaux, de radios, rien de bien sérieux, n’a vraiment mis en cause les corrompus, et autres ripoux benalistes. Si on excepte bien sûr les quelques habituelles accusations fantaisistes de facebookeurs en mal de statut. Les archives de la police politique, elles, restent hermétiquement closes.

Du mauve au bleu
«Entretemps, après les résultats du 23 octobre, des vestes se sont retournées, passant allégrement du mauve au bleu, de la défense de Ben Ali, au lustrage de l’image d’Ennahdha» regrettera Nourredine Khadhraoui, membre du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT). Il martèlera ainsi sur Ettounsia, dans une émission diffusée le jeudi 19 avril, que «certains qui ont soutenu ouvertement la répression de Ben Ali durant la Révolution, sont aujourd’hui les plus acharnés dans la défense du nouveau régime. Ceux-là mêmes qui nous accusaient de trahison quand on critiquait la dictature, nous lancent la même accusation aujourd’hui».

En définitive, Ennahdha voudrait-elle vraiment nettoyer le secteur, quitte à perdre ses nouveaux alliés-caméléons ? Ou s’agit-il plutôt de tenter de contrôler un secteur stratégique qui échappe encore à sa tutelle ? Mais… Le SNJT n’a-t-il pas promis, le 17 septembre 2011, la diffusion prochaine de la liste noire des ripoux toujours pas déplumés ? Sept mois plus tard, toujours rien à l’horizon. Alors que cette initiative aurait pu réellement permettre de séparer le bon grain de l’ivraie, sans que personne n’y trouve à redire. Pas même les Nahdhaouis. C’est à croire que les Tunisiens sont vraiment condamnés à passer des médias mauves aux bleus.

Lotfi Ben Cheikh

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Privatisation : Peur bleue des journalistes mauves
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