A en croire ces statistiques diffusées par Sigma Conseil, en cette première semaine de Ramadan 2012, les goûts télévisuels des Tunisiens n’ont pas réellement changé depuis le 14 janvier. Avant et après la Révolution, ils restent accros aux images de luxe tapageurs, à ces histoires d’hommes et de femmes aux mœurs légères, au spectacle de la corruption ordinaire.

Ainsi, la chaîne Ettounissia est la chaîne la plus regardée par les Tunisiens, avec 45,9% de part d’audience, contre 37,8% pour Nessma TV, 21% pour Hannibal, 18,4% pour El Wataniya 1, et 3,4% pour El Wataniya 2. Quand aux émissions les plus suivies, c’est toujours Ettounissia qui caracole en tête, en plaçant trois de ses productions dans le Top 5. Et sans réelle surprise, c’est bien Maktoub 3 qui se hisse à la première place avec 24,2% d’audimat. Le crocodile de la caméra caché de Cactus, arrache la deuxième position avec 20,8%, coiffant au poteau «Dar El Wazir» de Nessma Tv, avec ses 20,6%.

En clair, nos concitoyens, ne ratent pas une miette de Maktoub 3, même si certaines scènes, particulièrement choquantes, comme cette enfant exposée dans son linceul, vue dans le 10^ème épisode de Maktoub 3, semblent rebuter certains. Visiblement, les mêmes ingrédients continuent de faire recette, sous la dictature de Ben Ali, et sous le gouvernement de Jebali.

Et il est tout aussi intéressant de relever que les productions de Cactus, qui faisaient grimper l’audimat de Tunis 7 durant Ramadan 2011, continue, en ce mois saint 2012, de cartonner. Rien de bien nouveau sous le soleil tunisien. En 2009, déjà Cactus Prod touchait le jackpot avec des émissions de comme «Maktoub», le «Sofien Show», «El Hak Maak», «Ahna Haka», en drainant des revenus publicitaires estimés à 18 millions de dinars tunisiens.

Et voici qu’en 2012, Cactus travaille désormais pour sa propre chaîne, et n’a plus besoin de passer par le canal d’un quelconque canal national. C’est désormais sur une station satellitaire maison que les productions de Sami Fehri sont diffusées : Ettounissia. Hommes politiques, modernistes ou islamistes, ministres, comédiens, défilent sur ses plateaux, et contribuent ainsi à renforcer sa crédibilité, faisant table rase de son sulfureux passé.

La justice ? Elle leur a donné raison puisque Sami Fehri a remporté jusqu’ici tous ses procès. Belhassen Trabelsi, qui détenait 51% de parts dans la société a été englouti dans le tourbillon du 14 janvier. La page parait donc bel et bien tournée. C’est dire que la Révolution a apparemment donné des ailes à Cactus, et à sa chaîne télé. Et elle n’aura pas été le seul média tunisien au passé controversé à en profiter. Maktoub, diront les fatalistes.

Moez El Kahlaoui