La rue tunisienne risque de nouveau de s’enflammer à peine quelques jours après les émeutes de l’ambassade américaine. Sauf qu’en l’occurrence l’étincelle risque de nous venir de France, cette fois-ci. Le journal «Charlie Hebdo» a en effet annoncé de  nouvelles caricatures visant le Prophète de l’Islam. Et les dessins en question, qui ont d’ores et déjà circulé sur le Net, sont tout simplement abjects.

Le talentueux caricaturiste tunisien Seif Eddine Nechi fera ainsi remarquer : «quand un caricaturiste devient prêt à tout pour faire parler de lui et pour vendre son image, à l'instar de Charb de Charlie Hebdo, j'appelle ça du business facile...quant un artiste colle à la réalité du marché en vendant ce qui est en vogue sans souci créatif, j'appelle ça de la prostitution à contre partie lucrative... ce n’est même pas de la provoc c’est du calcul et de la facilité professionnelle... Bref chacun est libre de faire ce qu'il veut... Je ne peux que manifester mon irrespect».

Parce que manifestement, l’attaque des symboles de l’Islam permet aux profanateurs de renflouer leurs caisses, grâce au buzz à peu de frais que les Musulmans eux-mêmes alimentent. Un business florissant sous couvert de liberté d’expression. Et tant pis si des peuples entiers se sentent insultés.

Mosquées profanées
La journaliste et blogueuse tunisienne Olfa Riahi, aura cependant un autre point de vue sur la question. Dans une lettre ouverte publiée sur son blog, elle écrit notamment : «Je vous défie Charb, je vous défie de publier à votre «Une» quelconque caricature remettant en question l’Holocauste». Dans cette optique, l’hebdomadaire autrefois rebelle et iconoclaste, ne commettrait donc aucune transgression en publiant ces caricatures dans le contexte français actuel. Au contraire : il enfonce des portes ouvertes.

Le 12 septembre, la grande mosquée de Limoges a été retrouvée souillée avec des excréments. Deux têtes de cochon ont été découvertes le 1er août devant la mosquée de Montauban. Des cas isolés ? Pas vraiment. Selon l’Afp, des lieux de culte musulman ont aussi été visés par des actes islamophobes à Agen, Libourne (Gironde), au Barp (Gironde), à Strasbourg, Tarascon-sur-Ariège (Ariège) ou Draguignan (Var). Charlie Hebdo s’inscrit donc dans une tendance ouvertement islamophobe. Il surfe ainsi sur une vague qui prend même des allures de déferlante.

La Palestine censurée
A l’inverse, ce qui paraît réellement subversif dans la France d’aujourd’hui, ce serait plutôt la résistance palestinienne. La preuve ? Des hommes de la stature de Stéphane Hessel (ancien résistant au nazisme, juif lui-même) et de Michel Warschawski, (militant pacifiste israélien) sont réduits au silence, sous l’influence d’organisations sionistes comme le CRIF.  Peut-être parce que le plus célèbre des «Indignés», M. Hessel, a eu le malheur (et le courage) d’affirmer que «lorsque Israël commet des crimes contre l'humanité, il ne peut y avoir d’excuse, même pas l'Holocauste». Des exceptions ? Clairement non. Des artistes, des sportifs, seront boycottés par les médias de masse pour avoir trop ouvertement critiqué le sionisme.

Nous sommes donc bien loin du supposé esprit «anarchisant» qui semblait animer «Charlie Hebdo» dans les années 70, pour nous retrouver dans le populisme le plus crasseux, tels que vulgarisé par Le Pen, et maquillé pour les besoins de la cause électorale, par les idéologues de la nouvelle droite désormais «décomplexée».

L’actrice Véronique Genest a défrayé récemment la chronique en publiant, fin août, sur son compte twitter : «L'Islam est dangereux pour la démocratie et en fait la démonstration tous les jours». Or justement, les violences qui ont eu lieu à Tunis, en marge des manifestations contre le film islamophobe américain, ne contribuent pas à améliorer l’image de nos croyants. Pis : les plus malintentionnés pourraient même être tentés d’utiliser ces leviers pour manipuler à distance «la rue islamique», pour Dieu sait quel intérêt. Le respect voué au Prophète devrait donc inciter les Musulmans à plus de retenue. Pour qu’ils ne puissent pas ainsi donner raison et servir sur un plateau d’argent ceux qui multiplient délibérément les provocations.

Lotfi Ben Cheikh