Lundi, 31 Mars 2014 14:30

La 36ème édition du Festival International des Films Documentaires : Cinéma du réel a proposé vendredi 28 mars en avant-première mondiale au cinéma Le Nouveau Latina à Paris, le documentaire de Ridha Tlili et Ayten Mutlu Saray «Controlling and punishment» en présence des deux réalisateurs.

Le festival a offert une carte blanche à « Documentaire sur grand écran », association qui vise à promouvoir le documentaire en salle, en tant que film à part entière, en partenariat avec le FIDADOC, Festival International de Documentaire à Agadir.

L’intitulé du documentaire n’est pas sans rappeler l’œuvre éponyme de Michel Foucault : «Surveiller et punir».  Dans laquelle il traite de l’assujettissement de l’être humain. La modernité est selon lui l'âge des prisons où on enferme l’homme pour mieux le redresser. 

Le film documentaire de 90 minutes revient, trois ans après la révolution tunisienne, sur le lieu ou tout a commencé : Sidi Bouzid, ville natale de Ridha Tlili. Ainsi, lorsque Mohamed Bouzizi s’immole par le feu le 17 décembre 2010 c’est toute la Tunisie qui s’embrase peu à peu inaugurant une vague de contestations dans le monde arabe.

Une révolution que les Bouzidiens pensaient cristalliser les revendications longtemps étouffées. «CONTROLLING AND PUNISHMENT» relate les différents événements et frustrations qui ont conduit à l’embrasement de la région ainsi que les manifestations qui ont suivi.

Trois ans après cette révolution confisquée, difficile de voir autre chose dans cette région pauvre de la Tunisie qu’un statu quo qui domine désespérément amplifiant les sentiments de frustration, de colère et celui plus cruel encore d’une profonde et amère désillusion. Pour les Bouzidiens, les revendications sont les mêmes, constamment martelées par une jeunesse en perdition : liberté, dignité et emploi. Et la haine envers les autorités locales va crescendo.

Ridha Tlili et de Ayten Mutlu Saray remontent dans l’histoire de cette région du centre de la Tunisie et donnent la parole à ses intellectuels, militants des droits de l’homme, et syndicalistes, mais aussi à l’homme de la rue qu’il soit d’un certain âge ou d’un âge certain. Ceux-ci, lorsque peu à peu l’euphorie suscitée par la révolution laisse place à un cruel désenchantement, continuent à s’organiser, à lutter chacun à sa manière pour des lendemains meilleurs.

« Ce film documentaire est très bavard » a souligné Ridha Tlili lors de sa présentation. En effet, les témoignages sont livrés crus, poignants, sans artifices et sans voix off. Les visages se succèdent, usés, émouvants. Les mains s’agitent, protestent, plus que jamais décidées à en découdre avec les injustices répétées qui sévissent dans la région. 

Au gré de ces témoignages, c’est un Sidi Bouzid depuis toujours bercé par une véritable culture de l’insoumission et de la résistance qui se découvre au spectateur. Le documentaire est justement construit autour de cette dialectique entre la misère sociale, la marginalisation qu’on touche du doigt d’une part, et la lutte et la résistance hors normes des bouzidiens d’autre part. Car si leurs revendications légitimes, leur quête de dignité se heurtent à l’indifférence des gouvernements qui se succèdent, ils ne lâchent pas prise et continuent le combat. Ils Délivrent ainsi un message d’espoir à la Tunisie toute entière.

Les réalisateurs ont pris le parti de ne faire que recueillir les témoignages sans porter de jugement. Ils donnent la parole à ceux qui ont besoin de s’épancher et s’attachent à restituer les faits parfois au détriment de tout effort esthétique. « Ce n’est qu’un récit des faits » précise Ridha Tlili, insistant ainsi sur l’absence de message politique.

Ayten Mutlu Saray nous a quant à elle confié que ce documentaire est une « réflexion contre l’oubli » car, toujours selon ses propos, c’est le devoir de l’art en général que de travailler pour « aider au temps ». Il s’agit de « faire œuvre de mémoire » afin de réparer la mémoire blessée des habitants de la région.

Aussi, si  « CONTROLLING AND PUNISHMENT» laisse des témoignages importants pour la postérité, il est toutefois difficile pour le spectateur de souscrire à une présentation des faits dénuée d’effort artistique. La forme autant que le fond mérite d’être soignée afin d’optimiser la transmission du message escompté, qu’il soit politique ou simplement humaniste. L’œuvre comme la révolution qu’elle relate laissent un goût d’inachevé.

Meriem E.

3 ans après la Révolution : Zoom sur la désillusion
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