Nejib Belkadhi revient avec brio sur un épisode crucial de l’histoire de son pays. Il entraine le spectateur sur le chemin tortueux d’une démocratie balbutiante. Après avoir sillonné la Tunisie, le film est de retour au Cinémadart à la veille des Journées Cinématographiques de Carthage.
Un mois et demi après la chute du régime de Ben Ali, les tunisiens occupent, pour la deuxième fois depuis la révolution, la place de la Kasbah. Leurs revendications se cristallisent autour de deux exigences principales : la nécessité de dissoudre le RCD et doter la Tunisie d’une Assemblée Nationale Constituante. C’est ainsi que furent organisées, le 23 octobre 2011, les premières élections libres et démocratiques de l’Histoire du pays.
Nejib Belkadhi part à la rencontre des Tunisiens, de tous les Tunisiens : militants, hommes politiques, représentants de la société civile et citoyens de tous bords. Il récolte ça et là des témoignages précieux, qui sont autant de remparts contre l'oubli et porte sur cette phase transitoire un regard dénué de jugement, aussi lucide qu’indulgent. Il a su, et c’est là toute l’originalité de son œuvre, trouver le ton juste pour dire les frustrations, les espoirs et les craintes de tout un chacun.
Le réalisateur use, avec une extrême habileté, d’une palette d’émotions, suscitant chez le spectateur, tantôt une vive émotion, tantôt un profond désappointement qui frôle parfois le désespoir. Lorsque les rires fusent, ce n’est jamais sans une pointe d’amertume.
Mais quel que soit son ressenti, le spectateur est toujours partie prenante dans ce documentaire. Sans cesse bousculé, il est mis face à ses aspirations et ses craintes. En effet, le réalisateur ne se positionne pas en donneur de leçons. Loin de là.
Une campagne électorale mouvementée
Après les espérances suscitées par une révolution aussi fulgurante qu’inattendue, l’heure est désormais à l’action et à la construction. La scène politique tunisienne est en pleine effervescence. De nombreux partis politiques voient le jour, d’autres dont l’existence est antérieure disparaissent ou se restructurent, dans une confusion ordonnée, autour d’idéaux communs.
Sept et demi nous propose une rétrospective de la campagne en vue de l’élection de l’Assemblée Nationale Constituante avec son lot de promesses électorales plus ou moins réalisables. Les meetings politiques se succèdent sur fond de polémique sur le financement occulte d’un certain parti. Et les militants s’affèrent afin de convaincre les indécis de la nécessité de faire entendre leurs voix.
Les Tunisiens se divisent entre revendications teintées d'espoir et profonde méfiance vis-à-vis des hommes politiques. En dépit de certaines activités de propagande et de tentatives d’influence, le scrutin se déroule dans de bonnes conditions sous l’œil attentif des membres de l’association Atide. Les citoyens se mobilisent, mais tout reste à faire pour créer une véritable conscience politique.
Une citoyenneté tunisienne à définir
Au-delà des chroniques de ces élections, Sept et demi interroge le spectateur sur l’existence d’une identité politique nationale, une citoyenneté tunisienne.
En effet, lorsque la révolution se déclenche, la scène politique tunisienne n’est qu’un vaste champ de désolation. L’inconscient collectif est marqué par les symboles omniprésents de l’ancien régime. Le tunisien s’est depuis longtemps détourné de la vie politique. Ses préoccupations, ses aspirations sont ailleurs, plus immédiates, plus urgentes.
Sept et demi est avant tout une invitation à la réflexion sur la constitution d’une conscience civique qui impliquerait, non seulement des droits, mais aussi des devoirs vis-à-vis de la société. A cet égard, la révolution n’est pas la fin, mais le début d’un travail de longue haleine, un prélude à l’émergence d’une véritable citoyenneté tunisienne. Persiste alors un devoir moral de mémoire nécessaire à toute construction.
Meriem E