En comptant Mehdi Jomâa, la Tunisie aura connu depuis l'Indépendance, 14 chefs de gouvernement. Des hommes au profil souvent différent, défendant parfois des options divergentes ont occupé successivement ce poste. Ils afficheront pourtant, dans leur écrasante majorité, un point commun. Une constante flagrante.
Mehdi Jomâa, né le 21 avril 1962 à Mahdia, sera le 14ème des premiers ministres qui se sont succédé depuis le 20 mars 1956, en 57 ans d’Indépendance. Il s’agit de : Tahar Ben Ammar, Habib Bourguiba, Béhi Ladgham, Hédi Nouira, Mohamed Mzali, Rachid Sfar, Zine El Abidine Ben Ali, Hédi Baccouche, Hamed Karoui, Mohamed Ghannouchi, Béji Caid Essebsi, Hamadi Jebali, Ali Laâridh, et enfin le néo promu Mehdi Jomâa.
Portion congrue pour les Tunisois
Sur les 14 chefs du gouvernement, 10 sont originaires du triangle Sousse, Monastir, Mahdia. Trois gouvernorats qui ne formaient, jusqu’au 5 juin 1974, qu’un seul et unique gouvernorat : celui de Sousse. On notera cependant la présence de trois Tunisois dans la liste:
Au total, les trois parenthèses tunisoises à la tête du Premier Ministère n’auront pas duré 2 années complètes durant les 57 ans d’histoire de la Tunisie Indépendante. Des personnalités originaires du Sahel règneront donc le long des 55 autres années. Quant au reste de la Tunisie, du nord au sud, et du centre à l’ouest, il aura été complètement ignoré. Pourtant, le «Combattant Suprême» se faisait un devoir d’évoquer, dans ses discours, la nécessité de lutter contre les fléaux du tribalisme, et du régionalisme, pour édifier une Nation.
Domination du Sahel
Les dix autres premiers ministres, qui se suivront à la tête des gouvernements tunisiens, à savoir :
Habib Bourguiba (il sera premier ministre du 11 avril 1956 jusqu’à ce qu’il accède à la présidence quand la République sera déclarée le 25 juillet 1957), Hédi Nouira, Mohamed Mzali, Rachid Sfar, Zine El Abidine Ben Ali (du 2 octobre 1987 jusqu’au coup d’Etat médical du 7 novembre 1987), Hédi Baccouche, Hamed Karoui, Mohamed Ghannouchi, et même Hamadi Jebali, seront tous originaires du triangle sahélien.
Hédi Nouira, le 4ème premier ministre de la Tunisie indépendante, en compagnie de Bouguiba
Et leur règne sera autrement plus long que celui des trois Tunisois, dont aucun n’aura réussi à accomplir une année entière dans le fauteuil du premier ministre.
A titre de comparaison :
Les premiers ministres de Ben Ali
La donne n’aura guère évolué durant les 23 années du régime Ben Ali, qui conservera manifestement les mêmes critères pour désigner les trois premiers ministres qui se succéderont à la Kasbah sous son règne. Même si Sousse semble avoir pris le relais de Monastir. Ainsi, Ben Ali nommera-t-il :
Les choix d’EnnahdhaOn notera qu’Ennahdha, le parti qui a remporté le meilleur score aux élections du 23 octobre 2011, ne comptait en cette période, dans son bureau exécutif, que deux membres originaires du Sahel sur quatorze : Ajmi Lourimi et Hamadi Jebali, né le 13 août 1949 à Sousse. Et c’est justement ce dernier qui sera choisi pour occuper les fonctions les plus importantes dans une Tunisie qui a basculé vers un régime à dominante parlementaire.
Il aura fallu attendre l’assassinat du martyr Chokri Belaid (né en 1964 à Djebel Jelloud, une banlieue défavorisée de Tunis), pour que la Tunisie connaisse, le 13 mars 2013, et pour la première fois de son histoire, un chef de gouvernement qui ne soit originaire ni du Sahel, ni de la capitale : Ali Laâridh, né en 1955 à Médenine, au sud du pays. Mais l’intermède aura été de courte durée. Voici que la nomination de Mehdi Jomâa, annonce le retour à la normale régionale.
Oualid Chine
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