Vendredi, 07 Septembre 2012 10:58

ayoub-massoudiAyoub Massoudi, le conseiller principal à la présidence de la République démissionnaire, a passé quelques heures au poste de la garde nationale de Boumhel, dans la banlieue sud de Tunis, lors de la soirée du jeudi 6 septembre. Il enquêtait sur les conditions troublantes de la mort d’un jeune de la région.

Dans la même journée, la justice militaire a décidé de le déférer Ayoub Messaoudi devant la chambre correctionnelle militaire. Et il lui est toujours interdit de voyager. Le jeudi 30 août,  il s’est rendu, pour la troisième fois, au Tribunal militaire de Tunis. A l’issue de l’instruction, il a dû remplir des fiches anthropométriques. Et de l’avis de son avocat, Maître Charfeddine Kelil,  il s’agit d’un mauvais signe…

Le retour d’Ayoub à la paisible vie familiale n’a donc pas fini d’être contrarié. Il ne pourra toujours pas rejoindre sa femme et ses deux enfants. Et l’étau se resserrera sur ce trublion qui prétend dire les quatre vérités à un gouvernement empêtré dans ses contradictions. Ayoub n’en a cure. El Hencha s’embrase. Et alors que les médias ne font que survoler le sujet, Massoudi ira sur les lieux, et endossera de nouveau son rôle d’investigateur. Résultat : une enquête détaillée, de nouvelles révélations à la clé, des documents et des témoignages incriminant une nouvelle fois les sphères du pouvoir.

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Quelques jours plus tôt, il était au berceau de la Révolution, à Sidi Bouzid, pour mettre à nu les racines de la colère. Toujours blogueur, il balancera sur le Net les résultats de ses investigations. «Ce qui s’est passé à El Hencha, à Chebba, Sakiet Sidi Youssef et à Sidi Bouzid est une illustration de la politique du tout répressif adoptée par le gouvernement» clamera-t-il. A l’heure où les Blessés de la Révolution se cousent la bouche pour briser le mur du silence, et alors que le gaz lacrymogène asphyxie de nouveau nos régions, Ayoub donne un nouveau visage à tous les oubliés du pouvoir central, une nouvelle voix aux habitants de ces régions où fermentent toujours les germes de la rébellion.

ayoub-massoudiIngénieur sorti des Grandes Ecoles françaises, docteur en informatique, il ne posera pourtant pas à l’intellectuel de service. Il ne maintiendra pas la distance de ces technocrates qui alignent froidement leurs chiffres entre les quatre murs de leur luxueux bureau. Les ors de Carthage, son séjour en France, ne l’auront finalement pas éloigné de son village, de sa terre d’origine, au nord-ouest tunisien, où s’érigent les tables de Jughurta. Ayoub parle sans élever la voix, même quand il évoque les affaires les plus graves. L’homme campe sur ses positions sans se départir de sa lucidité, et d’une certaine douceur. Et alors qu’il ne vivra ses premières escarmouches télévisées qu’après sa sortie fracassante du Palais, il parle un arabe châtié, un français délié, comme s’il avait derrière lui une carrière de présentateur télé.

Ayoub Massoudi dérange. Ses déclarations font grincer des dents, et ne font que souligner les abandons successifs, les renoncements de partis politiques aujourd’hui empêtrés dans leurs contradictions. Comme si la vieille garde était condamnée aux alliances de circonstances sur fond de médisance. Ceux qui ont survécu aux dernières années de sénilité bourguibienne, puis aux 23 années de mafia benaliste, ont appris à courber l’échine. Une propension à lâcher prise, un certain goût pour l’exil, qu’une éducation à coup de trique et de matraque a favorisé. Faut-il donc s’étonner que les vieux routiers puissent vouloir brûler les ailes d’une jeunesse plus déterminée ?

Les problèmes politiques de la Tunisie d’aujourd’hui comme celle d’hier, sont aussi des problèmes de générations. Les plus de quarante ans, marqués au fer rouge par la succession des autocrates ont rarement cru à la Révolution. Des leaders politiques, des apparatchiks du militantisme se sont exilés, ou revu leurs ambitions à la baisse. Jusqu’à tuer les rêves que la jeunesse tunisienne a ravivés, du 17 décembre au 14 janvier.  La jeunesse de Redeyef en 2008, celle de Sidi Bouzid en décembre 2010, de Thala et de Kasserine en janvier 2011, n’a pas attendu les feux verts des vieux leaders pour allumer les flambeaux de la rébellion.

La Révolution ? Ayoub réplique «qu’elle a été abandonnée, avortée, par ceux qui prétendaient l’accoucher». La bataille a donc commencé, alors que les vieux ont déjà abandonné la partie. Ayoub Massoudi,  rétorque à tous ceux qui voudraient voir le mouvement s’essouffler, «les pressions ne me feront pas reculer. Je continuerai d’avancer et je suis prêt à en payer le prix». Et quel que soit l’issue de son combat et de son procès, en ranimant la flamme de la solidarité, Ayoub a déjà gagné.

Oualid Chine

Tunisie : Ayoub Massoudi a déjà gagné
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