Vendredi, 07 Décembre 2012 12:53

ugtt-front-populaire tunisieTribune. La Révolution a été déclenchée pour des motivations sociales, avec pour objectif affiché, le rétablissement de la dignité des travailleurs, les seuls à avoir payé le prix du sang pour la carte postale du «miracle tunisien». Les mânes de nos morts à Redeyyef en 2008, ceux des martyrs du 26 janvier 1978 hantent encore les avenues de Tunisie.

*********

Ennahdha semble découvrir, horrifiée, que l’Union Générale des Travailleurs de Tunisie (UGTT) est de gauche. Abdellatif Mekki, le ministre de la Santé déclare qu’elle serait même «noyautée par des communistes et des marxistes». Les sympathisants d’Ennahdha s’empressent de diffuser sur les réseaux sociaux ce qu’ils considèrent sans doute comme la découverte du siècle.

Ghannouchi et ses frères ne semblent pourtant aucunement gênés par la composition de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA).  On attend encore des révélations du style, «urgent et gravissime, l’UTICA est un nid de frelons capitalistes, agents souterrains de la mondialisation cosmopolite…  Sauf que l’on pourra attendre longtemps.

Il aura en effet déjà fallu attendre la campagne électorale d’avant le 23 octobre pour que le mouvement de Ghannouchi commence à se pencher sur des problématiques telles que l’emploi, les salaires, et accessoirement le mouton de l’Aïd. Parce que ce ne sont pas des considérations de développement humain ou social qui ont été à la base de la fondation du Mouvement de la Tendance Islamique. Les invectives lancées par le biais des chaînes satellitaires, avant la Révolution, se limitaient à la critique identitaire. L’autorisation de ce  «fichu foulard» réprimé et interdit par Ben Ali, cristallisait la principale revendication des «frères» : celle de couvrir les «sœurs».

Revendications de gauche
Et c’est l’exercice du pouvoir qui semble avoir brusquement dévoilé, aux yeux des dirigeants d’Ennahdha la complexité de la réalité. Le problème ? C’est qu’ils ne semblent pas outillés pour l’appréhender dans sa totalité, en prenant en ligne de compte la multiplicité de ses dimensions.

Or la Révolution a principalement été déclenchée pour des motivations sociales, économiques. Avec pour objectif affiché, le rétablissement de la dignité des travailleurs, les seuls à avoir réellement payé le prix de la carte postale du «miracle tunisien». Les mânes de nos morts à Redeyyef en 2008, ceux des martyrs du 26 janvier 1978 hantent encore les avenues de Tunisie.

hamma-hammamiParce que l’amélioration du pouvoir d’achat, les conditions de travail, l’accès à l’emploi, la justice sociale, la lutte contre la marginalisation et la paupérisation, et toutes ces insistantes réclamations d’ordre syndical, sont des revendications éminemment de gauche. Une évidence. Pour rappel, le Parti Ouvrier Communiste Tunisien (POCT) devenu plus tard, le Parti des Travailleurs Tunisiens a été à l’origine constitué par le groupe des Syndicalistes Révolutionnaires.

Khobz, Horrya, karama, watanya (pain, liberté, dignité, patriotisme), était et reste le principal slogan de la Révolution du 17 décembre. Et n’en déplaisent à ceux qui veulent vider la bataille sociale de sa substance politique, ce slogan est celui des jeunesses progressistes tunisiennes. Pourquoi, dès lors, faire mine de s’étonner que ce sont justement des partis de gauche, voire d’extrême-gauche qui en font leur cheval de bataille, conjointement avec l’UGTT ?

Essesbsi et Ghannouchi, les deux visages de la droite
A contrario, l’ordre, l’obéissance à l’autorité, l’identité, ou la religion, sont des valeurs fondatrices de la droite, et ce, dans tous les pays du monde. A cet égard, les deux pôles de la droite tunisienne que sont Nida Tounes et Ennahdha ont plus de points communs qu’on ne le croit.

farhat-hached

Parce qu’entre Essebsi et Ghannouchi, la différence est essentiellement une question de perception identitaire, et non une divergence sur le modèle socio-économique à adopter. Quand les uns définissent nos concitoyens comme étant avant tout des Musulmans, les autres mettront en avant la particularité (l’insularité ?) tunisienne. Même si, (héritage bourguibien oblige), les camarades d’Essebsi savent faire dans la dentelle, là où Ghannouchi et les siens taillent des croupières dans de la toile grossière.

Caïd Essebsi ne s’y trompe pas, lui, qui a à maintes reprises clairement évoqué un scénario du partage du pouvoir avec Ennahdha. Et malgré les apparentes gesticulations, les «islamisants» semblent aussi s’y résoudre. Lotfi Zitoun, le portevoix de Ghannouchi, a également déclaré que son parti pourrait gouverner avec Essesbi «si le bien du pays l’exigeait»…

On trouvera dans le camp d’en face, le Front Populaire, qui réunit aujourd’hui la mosaïque de la gauche révolutionnaire tunisienne, les nationalistes arabes de toute obédience, les progressistes. Comme au début des années 90, à une époque où tout ce beau monde était affilié à l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET), pour donner la réplique aux islamistes de l’Union Générale Tunisienne des Etudiants (UGTE), et aux Destouriens… Sauf qu’en 2012, exit les rivalités intestines : les progressistes tunisiens parleront d’une seule voix, celle de leur porte-parole officiel, le militant Hamma Hammami.

Ce n’est donc pas par hasard, que les militants de la gauche patriotique tunisienne, et les syndicalistes, sont désignés une fois de plus comme boucs émissaires à la vindicte populistes. Mais la gauche qui a connu les prisons de Bourguiba, les tortures dans les caves du ministère de l’Intérieur sous Ben Ali, et la chevrotine sous le gouvernement Jebali, paraît aujourd’hui plus déterminée que jamais à faire tourner la roue de l’Histoire.

Skander Ayari

Front Populaire et UGTT, seuls garants de la Révolution
Bannière
Bannière

Annonces

Suivez-nous !

MagZik

Top 5 de la semaine

    Vos amis apprécient...

    You are here: