Lundi, 17 Décembre 2012 11:18

mohamed bouaziziTribune. Nous sommes le 17 décembre. Une simple date, un jour semblable à tant d’autres. Sauf qu’il y a deux ans, jour pour jour, un incident, qui a eu lieu dans une bourgade oubliée de tous, dans une bourgade qui n’a jamais bénéficié de l’attention de nos technocrates et de nos politiques. Par Ghazi Dali.

Une bourgade qui n’a jamais pesé dans le dessin de notre destin national, a fini par mettre le feu à tout un édifice de mensonges, de faux semblants et d’illusions.

Ce jour, est pour certains une fête, une occasion de commémorer le début d’une Révolution, d’un espoir d’un réel changement, alors que pour d’autres il n’est qu’un cauchemar, duquel ils tardent trop à se réveiller. D’ailleurs ils ont tout fait, pour que ce jour n’existe pas (il suffit de regarder la une des journaux tunisiens de l’époque qui ont essayé de tout occulter des jours et des jours), et pour qu’il n’existe plus (il suffit de voir comment on a tenté par tous les moyens, de faire en sorte que cela s’appelle la révolution du 14 janvier et non celle du 17 décembre).

Depuis l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, tout a été fait pour minimiser la portée de son geste (désespoir personnel), pour le criminaliser (fatwa contre le suicide), pour le récupérer (réception et aide à sa famille et mise en prison de la policière qui l’aurait agressée), mais cela n’a pas marché, et un petit vendeur ambulant, a fini par avoir la peau de notre pharaon et de toute sa clique.

Ce fût un moment historique, une nouvelle naissance pour beaucoup, une joie immense inonda le cœur de beaucoup, aussi immense que la peur qui noua la gorge de certains, qui venaient en un clin d’œil de tout perdre. Depuis, on assiste à cette éternelle bataille entre ceux qui ont perdu et veulent retrouver leurs splendeurs et privilèges, et ceux qui ont gagné et veulent que tout change et immédiatement !

Cette accélération de l’histoire, nous a donné l’impression que tout était possible et immédiatement, voir le pouvoir égyptien succomber tout de suite après et aussi rapidement a encore plus renforcé cette idée que l’on pourrait tout obtenir et vite. Sauf qu’après, on a été rattrapé par la complexité de la réalité et de son cheminement en circonvolutions. Les évolutions du réel ne sont pas binaires, il n’y a pas de blanc et de noir, mais qu’une infinité de nuances du gris.

Quand l’Histoire a fini par ralentir, on a pu se rendre compte de l’ampleur des dégâts. Il y a tant de misères, tant de défaillances, tant de choses à faire, tant de choses à corriger, à mettre en place, que des dizaines d’années ne suffiraient certainement pas.

C’est comme passer d’un film d’action à regarder une dissertation philosophique, cela n’a rien à voir, et finit par lasser, ennuyer et désespérer. Pour beaucoup, cela a été un tel traumatisme, qu’ils ont préféré nier la réalité ! Ce qu’ils voyaient n’était pas la cause de cette révolution, mais ce n’en était que la conséquence, alors il fallait que tout redevienne comme avant !

Et comme l’avant de Ben Ali était trop frais pour pouvoir servir de support à cette illusion, on est allé exhumer l’avant du temps de Bourguiba !

Déconstruction des mythes de la Révolution
Entre temps, un travail de déconstruction des mythes de la Révolution, qui ne s’était jamais tari, reprit vigueur, et les attaques contre Bouazizi fusèrent de tous bords, sa famille fût au centre de plusieurs scandales, les théories de complots et de manipulations externes s’emballèrent, les USA, le Qatar, l’Iran, la France, Israël tous ont concouru à faire chuter Ben Ali !

mohamed bouazizi

On voulait arriver à une seule conclusion, cette révolution n’en était pas une, elle n’était pas juste, son initiateur était un petit criminel, on n’y est pour rien, et tout est fait pour nous faire vivre dans le chaos, juste pour permettre aux islamistes de prendre le pouvoir, détruire la Tunisie, pour pouvoir après s’allier aux USA et leur vendre le pays.

Dommage que l’on était déjà l’un des meilleurs vassaux des USA, qu’on ne leur a jamais rien refusé, et que l’on a toujours fait les sales besognes qu’ils nous demandaient ! Et donc nul besoin des islamistes pour cela.

Dommage que le pays on l’avait déjà vendu au plus offrant, en commissions et dessous de table, et sans regarder nullement aux conséquences ! Et donc nul besoin des islamistes pour cela aussi !

Peu importe tout cela ! Certains étaient prêts à croire n’importe quoi, pourvu qu’ils puissent revenir à leurs rêves douillets, d’unité et de cohésion nationale, de solidarité, de progrès et d’avant-gardisme, de sécurité et de justice sociale. Et nous voilà, deux ans après, à mener toujours le même combat !

La frange des déçus, continuent à s’amplifier et grandir, car ils ont l’impression, et justement, que les choses ne vont pas dans le bon sens, ils ne supportent pas le ralentissement du rythme, ils ne peuvent s’abandonner à l’idée que dorénavant ils ne peuvent plus forcer le destin par leur poigne et qu’il faille attendre les politiques, les discussions interminables, les discours, les élections et tout le tra la la, pour ne voir après que des demis mesures de prises !

Et il faut dire que notre classe politique, que nos gouvernants, ont tout fait pour que cette impression s’installe et perdure. A voir leurs discussions interminables, leurs combats de coqs, leur foire d’empoigne on ne peut qu’être dégoûté devant une telle déconnexion de la réalité !

Au lieu de mettre en place la démocratie participative, ils sont restés scotchés aux dogmes de l’état central ! Alors que les gens voulaient prendre leur destin en mains, ils ont continué à leur envoyer des messages d’en haut, pour leur dire dormez bien, on veille sur vous !

Alors qu'ils s'attendaient a un nettoyage dans les rouages de l'Etat! Ils ont assistés incrédules au rabibochage du gouvernement et du parti majoritaire avec les anciens caciques du régime. Voilà pourquoi, deux ans après, l'enthousiasme cède la place à une si grande désaffection, et un si profond désenchantement.

Mais que ceux, qui avaient perdu déchantent et prennent garde, car ce désenchantement et cette désaffection, ne sont pas la porte ouverte pour un retour en arrière, les citoyens, aspirent à mieux, beaucoup mieux que ce qu’ils ont maintenant, et ce n’est nullement l’avant qu’ils nous prospectent, avec certes quelque maquillage, qui puisse l’incarner !

Ghazi Dali

Tunisie : Le 17 décembre, entre enchantement et désenchantement
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