Jeudi, 20 Décembre 2012 09:26

gouvernement-tunisieTribune. L’écrivain Abdelaziz Belkhodja tire la sonnette d’alarme. A la veille d'un remaniement ministériel longtemps attendu, et devant la situation de délitement de l'Etat, le prochain gouvernement, s'il tient à sortir le pays du marasme, doit absolument éviter de répéter les mêmes erreurs pour que le chambardement gouvernemental ne soit pas complètement inutile.

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Du temps de Ben Ali, le siège du pouvoir était à Carthage et la présidence disposait de tout l'arsenal «communicationnel» nécessaire. Lorsqu'après la Révolution, le premier ministre est devenu de fait le chef de l'Etat, une équipe de jeunes a formé l'équipe de Mohamed Ghannouchi et a découvert avec stupeur que le Premier ministère n'avait même pas de liaison Internet !

abdelaziz-belkhodjaA l'époque, quelques membres de cette équipe avaient commencé à travailler et, fin février, comprenant que seule la justice révolutionnaire pourrait calmer les gens, une liste de plus de 100 proches de Ben Ali dont les biens ont été confisqués avait été publiée… en attendant une nouvelle liste. Mais les manipulations de certains membres du gouvernement ont vite révolté la rue. Ghanouchi fut déposé avant même que son équipe n'ait réussi à mettre en place un service de communication fiable.

Arrivant dans la foulée, Béji Caid Essebsi a été conseillé par Moez Sinaoui et un service de communication bien rodé s'est mis en place avec deux conférences de presse hebdomadaires. Les journalistes connaissaient les dates d’avance et tout a fonctionné plus ou moins bien. BCE, sachant qu'il n'était là que jusqu'en juillet laissa travailler en toute indépendance non seulement les diverses commissions chargées de la transition démocratique, mais aussi la justice et même les ministres qu'il trouva en place. 
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Le recul de la date des élections ne changea pas grand chose à l'affaire. De toute façon, un gouvernement de gestion des affaires courantes et qui ne dispose d'aucune légitimité, ne peut prendre de décisions importantes sans provoquer un tollé généralisé.

Avec l'arrivée de la Troika, qui héritait d'un Etat debout et des rapports définitifs des diverses commissions, tout le monde s'attendait à une résolution des problèmes liés à la gestion courante et à la justice transitionnelle (d'autant plus qu'un ministère entier lui fut alloué).
Sauf qu'à la base, le Premier ministre avait les mains liées. D'abord, un problème structurel : Hamadi Jebali, premier responsable, n'a même pas de ministres responsables devant lui puisque la plupart sont nommés par d'autres que lui! Résultat, un chef du gouvernement «responsable mais pas coupable». On connait la chanson… En fait Hamadi Jebali s'est retrouvé avec une pléthore de ministres qui font allégeance à d'autres. Résultat, un gouvernement très faible et sans objectifs précis alors que seul un gouvernement soudé autour d'un plan précis pouvait sortir le pays de la crise.

ministres-marzouki tunisie

Mais l'amateurisme, très grave, du gouvernement s’est manifesté par une première décision qui a accru son incapacité : le service de presse du Premier ministère fut dissous ! En fait, par là, le Premier ministre se tirait une balle (et pas de la chevrotine) dans le pied. Résultat, une communication médiocre, le retour de la rumeur et des mauvaises interprétations, un gouvernement qui se défend difficilement, surtout que sa propre critique des médias apparaissait comme une tentative de revenir à des pratiques révolues.

De plus, en matière de justice transitionnelle, la Troïka qui se posait en «justicier du peuple», s'est avérée contre-productive et il apparait clairement aujourd'hui que seul le premier gouvernement post-révolutionnaire, celui de Mohamed Ghannouchi, le plus proche de l'ancien régime en fait, a fait quelque chose en ce sens! Les deux gouvernements qui ont suivi ont «lâché l'eau sur les melons» avec cette terrible impression de la continuité de la corruption.

La Troïka, arrivée en redresseur de torts, s'est mise en très mauvaise position par la poursuite du népotisme, de l'injustice et de la corruption, avec en sus, la surmédiatisation et la gabegie.
Résultat: alors que la corruption (la grosse corruption) ne concernait que quelques personnes (300 maximum, qui auraient elles-mêmes gagné à être jugées pour pouvoir retrouver tous leurs droits et non subir un racket continu) désormais, la situation est très grave car la responsabilité est diluée et l'Etat lui-même, pourtant efficient, se retrouve au banc des accusés!

Aujourd'hui, à la veille d'un remaniement ministériel attendu depuis longtemps et devant la situation de délitement de l'Etat, le prochain gouvernement, s'il tient à sortir le pays du marasme, doit absolument éviter de tomber dans les trois pièges primaires :

  1. Celui de la responsabilité des ministres devant le Chef du gouvernement. Seul celui-ci doit nommer les ministres pour que sa responsabilité à lui devant le peuple soit effective.
  2. La communication politique doit être mise en place avec sérieux et avoir de la consistance c'est à dire un programme efficient.
  3. Appliquer très sérieusement une justice transitionnelle en mettant en lumière les montages qui ont permis aux proches de Ben Ali de s'enrichir de façon indécente sur le dos de l'Etat et du pays.

Sans cela, ni la bonne gouvernance ni la confiance ne seront au rendez-vous.

Abdelaziz Belkhodja

Tunisie : Pour que le remaniement ministériel ne soit pas inutile
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