Hamadi Jebali et la cartographie de Hédi Nouira |
Mardi, 03 Janvier 2012 12:19 |
Dans les années 70 du siècle dernier, Hédi Nouira, premier ministre et grand commis de l’Etat s’il en est, avait commandité une cartographie des investissements en Tunisie. Et au vu des résultats, la réaction a été immédiate. Il ne s’agissait pas de prendre les mesures qui s’imposaient. Encore moins de rendre public ce que tout le monde subodorait déjà. Hédi Nouira a tout simplement décidé, à l’époque, d’enfouir cette carte des investissements en Tunisie dans les archives secrètes. Pour que personne ne puisse voir le déséquilibre si flagrant entre les régions, dans notre pays. Il s'agissait donc avant tout d'étouffer le scandale. C’est que la fracture sociale et économique qui sépare la capitale et la bande côtière, des régions de l’intérieur des terres ne date pas d’aujourd’hui. Et le premier président tunisien, Habib Bourguiba, ne cachait pas vraiment ses préférences. Les noms et les origines de ses ministres en attestent. Tout comme le prouvent ces complexes touristiques et ces zones industrielles qui se bousculent dans un mouchoir de poche. Et le phénomène s’est encore aggravé sous le règne de Ben Ali. Ce qui n’était jusqu’ici qu’un pressentiment flagrant, a été chiffré, quantifié, passé sous la loupe, au cours d’une conférence qui a eu lieu le 29 décembre, à l’Ariana. Mourad Gachem, vice-président de l’Association Vigilance et Egalité des Chances, (AVEC), qui a également collaboré avec le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) à Tunis, a ainsi aligné des chiffres soulignant le lourd poids des disparités régionales qui pèse encore sur le développement (inégal) des régions de notre pays. Ainsi, les accouchements présentent deux fois plus de risques pour la vie des femmes originaires du nord-ouest de la Tunisie, par rapport à leurs sœurs de la capitale. Le pourcentage d’analphabétisme passe du simple au double de Tunis à Kasserine. Les jeunes de 18 à 29 ans ont une «chance» sur deux de se retrouver au chômage s’ils habitent dans le sud-ouest, c’est-à-dire en clair, la zone du bassin minier. Et ce n’est donc pas par hasard, que ce sont dans ces mêmes zones que les sit-in se multiplient, et que la contestation se fait la plus virulente. Or les mêmes conditions, qui ont poussé Hédi Nouira à cacher sa fameuse carte continuent de sévir aujourd’hui. Les Tunisiens en ont eu un avant-goût et une illustration éclatante, avec le résultat des élections. Des phénomènes comme la surprenante réussite de certaines listes a priori confidentielles, abondent dans ce sens. Reste à évaluer l’efficacité des solutions que le gouvernement actuel compte apporter. Parce qu’avec Hamadi Jebali, les dirigeants Tunisiens ne se sont pas vraiment éloignés de la voie royale, celle de l’axe Sousse-Monastir. On relèvera cependant que la nouvelle cartographie ministérielle de la Tunisie, au-delà de l’origine du seul chef du gouvernement, se soit passablement diversifiée. Serait-ce vraiment l’expression d’un frémissement révolutionnaire ? Ou la malédiction de la carte de Hédi Nouira continuera de poursuivre les fils de nos régions ? Walid Ben Sahbi Facebook Social Comments Box for Joomla |