Quelle fête pour la Révolution Tunisienne? |
Vendredi, 13 Janvier 2012 15:33 |
Certains auraient voulu que le jour de la commémoration soit le 17 décembre. Le jour où Mohamed Bouazizi s’est immolé, le jour du déclenchement symbolique de la Révolution. Une manière aussi, de rendre hommage au berceau du mouvement qui allait enflammer la Tunisie et les peuples arabes, avant d’être suivis dans le monde entier, de Wall Street, à Barcelone. Le problème, c’est que les autres régions tunisiennes ont aussi pleinement participé au processus de libération. Les martyrs de Kasserine, et de Thala méritent aussi que leur nom s’inscrive en lettres d’or au fronton de l’histoire de la République. Et après tout, on pourrait également considérer la révolte du bassin minier de 2008, comme les prémisses de la Révolution. Mais pour ne pas créer de nouvelles dissensions, c’est la date du 14 janvier, celle qui a vu le couronnement et la victoire de tout un peuple, réuni, au-delà des considérations idéologiques qui s’est imposée. Il n’empêche. Les habitants de Sfax ont déjà fêté leur soulèvement, le jeudi 12 janvier 2012. Parce que c’est à cette date qu’en 2011, 40 000 tunisiens ont défilé dans les rues de cette ville industrieuse, pour défier la répression. Un coup d’éclat, signifiant que la mobilisation et les manifestations atteignaient désormais les centres névralgiques. Tunis n’allait donc plus tarder à suivre le mouvement, pour donner les derniers coups de boutoirs qui allaient abattre le régime, comme on fait tomber un château de cartes. Curieusement, en ce jeudi 13 janvier, à la veille de la première commémoration de la révolution, rien ne semble pourtant avoir été réellement prévu par les autorités pour fêter comme il se doit la victoire du peuple tunisien. C’est tout juste si on apprendra, par le biais du ministère de l’Intérieur que des associations et des partis politiques ont été autorisés à ouvrir les festivités. Mais à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous n’avons pas vraiment d’information sur ce que l’Etat a décidé d’organiser pour ses citoyens. Et nous osons espérer qu’il ne les a pas tout bonnement zappés. En attendant, c’est plutôt l’arrivée de chefs d’Etats qui est annoncée. Et en l’occurrence, à l’exception du dirigeant libyen, ce ne sont pas vraiment des hérauts de la démocratie que la Tunisie s’apprête à accueillir. Ainsi Abdelaziz Boutefliqa, qui n’a pas vu d’un bon œil la chute de Ben Ali, et qui a tant tardé à accepter les bouleversements en Libye sera chaleureusement accueilli. Sans même parler de comité d’accueil de l’Emir Qatari, qui interdit dans son royaume le pluralisme. C’est qu’au pays d’Al Jazeera, les partis politiques sont interdits, ce qui n’empêche pas cette chaîne de prétendre encourager, voire participer aux insurrections arabes. La real politik, les règles du bon voisinage, le fric… ont leurs raisons d’Etat. Mais ne gâchons pas notre plaisir. Le triomphe de la Tunisie en marche a inspiré les autres peuples arabes, et leur a montré qu’il existait une autre voie. Que la dictature n’était pas une fatalité culturelle, n’en déplaise à l’Occident, et aux pays qui ont voulu appuyé les tyrans jusqu’à leurs derniers instants. Parce que nos peuples ne seraient-pas assez mûrs pour la démocratie… pour des raisons culturelles. Et qu’importe s’ils devaient fermer les yeux sur la répression, la torture, et les prisonniers d’opinion. Tous les hommes sont égaux, mais certains le seraient plus que d’autres. Les Tunisiens, en ce 14 janvier 2011, ont remis les pendules à l’heure. Et une année après, ils lancent un nouvel avertissement : ils sont debout, et plus aucun mouvement, parti, ou autre rassemblement, ne pourra s’imposer contre leur volonté, à leur corps défendant. Moez El Kahlaoui Facebook Social Comments Box for Joomla |