Complot contre Ennahdha ou contre la Tunisie ?
Jeudi, 19 Janvier 2012 07:57

complot-tunisieGrève générale, à Ghardimaou, en cette matinée du mercredi 18 janvier. Même scénario à Nefza, avec une paralysie totale de l’administration publique et des entreprises économiques. Le mardi, un délégué s’est fait tabassé par une foule en furie à El Oueslatia dans la région de Kairouan. Sans même parler des routes coupées, des manifestations du sud-est tunisien, et du bassin minier qui s’est de nouveau embrasé.

Les Tunisiens ont peur. Les événements récents renforcent leurs inquiétudes. Pendant que certains montrent du doigt des partis d’opposition, accusées de déstabiliser un gouvernement qui peine à s’installer aux commandes. Les accusations de complot fusent sur les réseaux sociaux. Négligeant une réalité première : si les partis politiques accusés de comploter avaient ces capacités de mobilisation populaire, comment expliquer qu’elles ne se soient pas traduites par une victoire aux élections ? Des partis qui se sont révélés quasiment insignifiant au vu des résultats du 23 octobre, pourraient-ils véritablement se reconvertir, en quelques semaines, comme par miracle en courant d’opposition mobilisateur, au point de pouvoir orchestrer des manifestations aux quatre coins de la République ? Difficile à croire.

Reste que certains adversaires politiques d’Ennahdha, s’ils ne pèsent pas lourds au niveau strictement électoral, disposent tout de même de certains leviers susceptible de faire basculer l’équilibre en leur faveur. Surtout quand la conjoncture sociale est, déjà, à l’origine, explosive. L’extrême-gauche n’est certes pas en mesure de fédérer un électorat de masse. Mais elle est capable, notamment par le biais de ses alliances et de ses accointances avec l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) de souffler sur les braises de la contestation.

Quel rôle pour l’extrême-gauche ?
Des mouvements comme le Parti Ouvrier Communiste Tunisien (POCT) ou les Patriotes Démocrates (Watad) ont démontré leur capacité de résistance et leur potentiel mobilisateur au cours des décennies de la dictature de Ben Ali. Faut-il rappeler que les slogans de la Révolution puisent clairement leur inspiration dans les groupes de la gauche tunisienne ? Peut-on pour autant, se permettre de stigmatiser, aujourd’hui, ces mouvements pour en faire des boucs émissaires accusés de tous les maux de la transition ? Clairement non. A cet égard, le leader du POCT, M. Hamma Hammami, a strictement condamné «les violences, les actes incendiaires», les considérant comme «desservant la cause qu’ils prétendent défendre».

En Tunisie comme dans tous les pays du monde, l’extrême-gauche mobilise ses militants et sonne l’alerte quand les conditions sociales se dégradent dangereusement. Mais ces mêmes mouvements se font dépasser par la colère populaire parfois irraisonnée, et à laquelle s’adjoignent des actes de banditisme non-politisés. Les complicités sécuritaires ne sont pas exclues, dans un contexte où la réforme du dispositif policier est une priorité et alors que le procès des meurtriers des martyrs suivent leur cours.  Autant de raisons qui font qu’en cas d’embrasement, il est illusoire d’attendre de l’extrême-gauche un quelconque encadrement.

Responsabilité d’Ennahdha
Le problème, c’est qu’en escamotant tous les problèmes potentiels durant la campagne électorale, en déclarant pouvoir les résoudre rapidement à condition de se retrouver au pouvoir, Ennahdha ne pouvait que décevoir. Les promesses des 400 000 emplois par année étaient difficilement tenables. Et à vouloir dépeindre l’avenir immédiat en rose, on contribue à créer des attentes démesurées, en totale rupture avec les réalités et les potentialités économiques et sociales de la Tunisie. Pis : en s’attribuant tous les ministères de souveraineté, elle ne contribue pas réellement à renforcer la solidarité même entre membres de la troïka. Le quasi-monopole nahdhaoui alimente le ressentiment des autres mouvements exclus ipso facto de l’entente tripartite. Ces facteurs font que le parti d’inspiration islamique cristallise aujourd’hui  l’animosité de pans entiers de la population. Encore faut-il qu’Ennahdha puisse  assumer malgré tout ses responsabilités. Car l’échec de ce parti désormais au pouvoir aurait des conséquences incalculables pour la Tunisie, en cette délicate période de transition. En d’autres termes, ceux qui jouent aux apprentis-sorciers pour envenimer davantage une situation précaire, complotent en sous-main contre la Tunisie.

Ramener la sécurité
Mais comment arriverait-on à stabiliser le pays quand les routes et les accès à certaines régions sont coupés ? Comment prendre des initiatives économiques pour porter secours à ces zones sinistrées et délaissées pendant 23 années alors que la violence et l’insécurité continuent de régner ?

Le gouvernement actuel dispose de la légitimité des urnes. Les dépassements qui ont franchi depuis longtemps les limites de la légalité, et qui menacent de propager le chaos dans une Tunisie à peine sortie d’une Révolution font peser d’immenses risques sur le pays. La reprise économique pourrait être encore plus retardée, voire hypothéquée.

Dans ces conditions délétères, le maintien de l’ordre républicain est une nécessité absolue. Et après tout, ce n’est pas tout à fait par hasard, que l’Etat d’urgence a été prolongé jusqu’au 30 mars. Le président de la République, M. Moncef Marzouki, dans son discours prononcé le 23 décembre devant les patrons de l’UTICA, n’a-t-il pas précisé, qu’en derniers recours, il saura faire appel à la force publique ? A voir l’anarchie se répandre dans la Tunisie, le temps du dernier recours a bel et bien sonné.

Marwene El Gabsi

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