Radwan Masmoudi : «Montrer le nouveau visage de l’Islam»
Samedi, 18 Février 2012 18:30

radwan-masmoudi-rached ghannouchi«Pendant cette période critique, il ne faudrait pas permettre aux prêcheurs salafistes extrémistes de venir en Tunisie pour semer la haine dans notre pays». Wajdi Ghanim et ses semblables ? «Ils causent des dégâts énormes à notre religion». Mais «Ennahdha a une occasion historique : celle de montrer au monde entier un nouveau visage de l’Islam».  Ainsi parle Radwan Masmoudi.

L’homme qui a invité à Washington, Hamadi Jebali, le premier ministre tunisien actuel, pour lui permettre d’exposer la vision d’Ennahdha auprès des responsables américains. C’est que M. Masmoudi, le fondateur du Centre d'Etudes sur l'Islam et la Démocratie (CEID), un think tank basé à Washington, est un influent lobbyiste pro-musulman. Et ses analyses sans concession sur la situation en Tunisie, incitent à la réflexion, et à l’action. Interview.

Mag14 : Faut-il interdire la venue de prêcheurs salafistes étrangers en Tunisie ?

radwan masmoudiRadwan Masmoudi : Je pense que pendant cette période critique et transitoire, de un à trois ans, il ne faudrait pas permettre aux prêcheurs salafistes extrémistes de venir en Tunisie pour semer l’ignorance et la haine dans notre pays. Cela dit, ils ne sont pas tous les mêmes. Si un prêcheur salafiste défend un Islam conservateur, mais qui respecte les principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l’homme, il peut et doit être invité. Mais ceux qui prêchent la haine des autres, qui sont contre la démocratie, l’égalité et les droits fondamentaux de l’homme et de la femme, ceux qui accusent les personnes en désaccords avec eux de mécréance (kuffr), ceux-là sont très dangereux. Ils ne doivent pas être invités durant les trois prochaines années, durant cette période critique de transition démocratique.

Dans quelle mesure ces prêcheurs, comme Wajdi Ghanim lèsent-ils l’Islam et les Musulmans ?

Ils causent des dégâts énormes à notre religion. L’Islam est une religion tolérante et progressiste. Elle a toujours proclamé l’égalité, la fraternité, la paix, la liberté, et la dignité de l’homme et de la femme. Cependant, ces écoles primitives et ces visions déformées de l’Islam, qui refusent toute adaptation ou modernisation des pratiques et des valeurs Islamiques, représentent un danger réel pour le monde Islamique, dont la Tunisie fait partie. Ils déforment l’image de l’Islam dans le monde et font peur aux non-Musulmans. Comment peut ont défendre en Amérique ou en Europe, le fait que certains pays interdisent à la femme musulmane de conduire une voiture ou de montrer son visage? Ces soi-disant Musulmans autoproclamés on fait beaucoup plus de mal à l’image de l’Islam que ce qu’ont accompli les ennemis de notre religion pendant les cinq derniers siècles.

Ennahdha a-t-elle assez de distance vis-à-vis des salafistes, selon vous ?

Non. Et j’en suis surpris et désolé. Ennahdha a une occasion historique : celle de montrer un nouveau visage et une nouvelle réalité de l’Islam, non seulement pour le monde entier, mais aussi, et c’est le plus important, pour les Tunisiens, les Arabes, et les Musulmans qui veulent maintenir et préserver leur identité et leurs valeurs religieuses et morales, mais en même temps, entrer réellement dans le 21ème siècle pour bâtir une civilisation modèle qui intègre les valeurs de l’Islam et les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme. Le monde entier, et les peuple Musulmans ont besoin de cela, et la Tunisie qui a été le premier pays du “printemps Arabe” et même Ennahdha qui a toujours été l’un des mouvements Islamiques les plus modérés et les plus avant-gardistes, sont appelés à bâtir et développer ce modèle d’un Islam tolérant, moderne, et démocratique. Les interprétations salafistes, comme ceux des talibans, du wahabisme, et même du khomeinisme, ne vont pas nous aider dans cette direction.

Rached Ghannouchi s’est prononcé en faveur de la légalisation de partis comme Hizb Ettahrir. Comment jugez-vous cette démarche ?

Je pense que ce serait une erreur assez grave. Un parti politique doit, par définition, croire et s’inscrire dans certains valeurs et principes démocratiques pour qu’il puisse maintenir et préserver la démocratie s’il arrive au pouvoir. Par définition, un parti politique veut arriver au pouvoir pour appliquer son programme. Mais si son programme politique est contraire aux principes et valeurs fondamentaux de la démocratie, ca veut dire qu’on risque de tout détruire et de faire entrer le pays dans des situations graves et dangereuses.


Hamadi Jebali, Radwan Masmoudi, Néjib Chebbi, Abdelfattah Mourou

D’ailleurs le Hizb al-Tahrir et beaucoup de groupes salafistes proclament ouvertement que l’Islam est contre la démocratie et que, s’ils arrivent au pouvoir, ils n’autoriseront pas les partis politiques, ni même aucune opposition. Je vois très mal comment on peut légaliser des partis qui ont une telle vision de la vie politique.

Le salafisme représente-il un vrai danger pour la démocratie tunisienne?

Il faut quand même distinguer entre les salafistes. Ils ne sont pas tous les mêmes. Il y a des penseurs Musulmans de grande renommée, comme Rached Ghannouchi et Youssef al-Qaradhawi et bien d’autres, qui disent qu’ils sont salafistes, puisque ils considèrent qu’on a beaucoup à apprendre sur “salaf as-Salih”, mais qui disent aussi qu’ils sont pour la démocratie, les droits de l’homme et de la femme, et pour la modernisation de la pensée Islamique. Avec ce genre de “salafistes”, je pense qu’on n’aura pas de problèmes. Mais les salafistes extrémistes, comme les Talibans, les Wahhabites, ou les salafistes Jihadistes qui prônent la violence, et qui disent ouvertement que l’Islam est contre la démocratie représentent en réalité un très grand danger. Il faudrait veiller à ce qu’ils ne ruinent pas notre démocratie encore naissante. A cet égard, il y a des éléments à la fois internes et étrangers qui ne veulent pas que la démocratie devienne une réalité en Tunisie, et qui veulent bien la détruire. Et ils savent bien que la meilleure façon de le faire, c’est de soutenir, moralement et financièrement, les extrémistes religieux ainsi que les extrémistes laïcs pour prévenir et empêcher toute possibilité de réconciliation et d’unité nationale en Tunisie.

Propos recueillis par Oualid Chine

Radwan Masmoudi : «Montrer le nouveau visage de l’Islam»
 

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