Abdelfattah Mourou, avocat de son état, et accessoirement co-fondateur d’Ennahdha a su se frayer une place particulière dans les médias grâce à ses talents d’orateur et ses positions publiques «modérées». Or voici qu’une vidéo de Mourou en compagnie de Wajdi Ghanim, le prédicateur salafiste égyptien nous fait découvrir une autre facette du personnage.
Le prêcheur radical du Caire s’est prononcé clairement contre la démocratie, puisque «ce type de mode de gouvernement basé sur l’avis de la majorité, pourrait hisser au pouvoir des partis mécréants». Il s’agit donc de se conformer strictement aux lois divines pour éviter ces errements par trop humains. La démocratie est donc, selon Wajdi Ghanim, une hérésie occidentale, impropre à régner en terre d’Islam. On relèvera que cette affirmation n’a pas été acceptée par toutes les personnalités présentes. Certains ont même tenté de s’y opposer, même s’il leur manquait la faconde de Ghanim. Mais Abdelfattah Mourou, connu pour être un partisan d’un Islam «light» n’a pas jugé bon d’intervenir sur le champ.
Mieux. Parlant des progressistes, Mourou déclarera même «ce sont nos adversaires, mais nous ne devons pas afficher notre inimitié, parce que nous visons leurs fils, leurs femmes, et leurs petits-enfants. Leurs fils et leurs filles sont chez nous aujourd’hui. Notre but est de séparer la pensée des enfants de celles des parents». Une tactique pragmatique et délibérée, donc, pour conquérir la «cible» par étapes. Or, relève-t-il, «l’étape suivante sera plus difficile. Parce que nous avons le pouvoir, et nous risquons de nous ramollir». Vous avez dit "light"?
Les Tunisiens ont ainsi découvert, ébahis, un visage jusqu’ici peu connu d’Abdelfattah Mourou. L’homme se déclarera quasiment en accord avec Wajdi Ghanim, le prédicateur extrémiste égyptien, condamné publiquement par bon nombre de Nahdhaouis bon teint, et même critiqué en demi-teinte par le ministre des affaires religieuses, M. Noureddine Khadmi. Quelques photos ont cependant fait leur apparition, il y a quelques jours, montrant, Habib Ellouze, ex-président d’Ennahdha et député de l’Assemblée Constituante, accueillant Wajdi Ghanim. Allez chercher à comprendre.
Et voici que Maître Mourou, un habitué de chaînes guère en odeur de sainteté à l’image de Nessma TV, un religieux "soft" longuement interviewé par des journaux comme "Le Maghreb", fait la cour, à son tour, à un extrémiste que la Tunisie a vomi. C’est dire ce que la jebba de soie du Tunisois peut couvrir.
Le voici baisant la tête de l’Egyptien en signe de respect et de reconnaissance. Leur désaccord affiché sur les médias de masse ne serait ainsi que tactique. Une question d’étapes à respecter, pour ne pas effaroucher une population rétive aux usages obscurantistes comme le niqab, et autres joyeusetés moyenâgeuses dont notamment «l’hérésie de la démocratie». Et peu importe si la majorité de la société tunisienne ne saurait être séduite par ce type d’arguments. L’idée étant d’attirer les plus jeunes, le temps de permettre au pouvoir de s’asseoir plus confortablement derrière les commandes, le temps que les boutons répondent.
Soufia Ben Achour