Le téléjournal cède la place, en son beau milieu, à une plage publicitaire. Parce qu’après la Révolution, la télévision publique tunisienne saucissonne sa grande messe de 20h en deux parties. L’avant-pub, et l’après-pub. Les taux d’audience de notre TJ ayant grimpé en flèches depuis que la langue de bois a été rabotée, il y avait ici une opportunité à ne pas manquer.
Un spot publicitaire vantant les mérites du cent-deuxième parti politique tunisien, serait sans doute du meilleur effet. Il n’y aurait plus qu’à aller voter pour la formation politique la plus friquée. On attend la première du genre, vu que la loi sur la publicité politique proposée par l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC) est encore à l’état de projet. Mais le bébé est déjà décrié avant même sa douloureuse naissance.
En attendant, question pub, même les mosquées ne sont pas épargnées. Du côté de la rutilante Cité Ennasr, plus connue pour ses salons de thé branchés, une affiche publicitaire a carrément été collée sur le minaret du principal lieu de prière du quartier. Ce qui n’a, après tout, rien d’étonnant, quand on sait que certains groupuscules se font déjà de la pub au cours des prêches du vendredi. Argument de choc : leurs concurrents iront sans doute griller en enfer.
Officiellement contre les prêches politiquement orientés dans les mosqués, Ennahdha, elle, a choisi de sponsoriser des mariages collectifs. C’est ce qu’on appelle de la communication événementielle rondement menée. Une action pourtant vivement critiqué par le parti politique le plus anti-com de Tunisie, à savoir le Congrès pour la République, dirigé par le très puritain Moncef Marzouki.
Sur les réseaux sociaux, les internautes tunisiens n’épargnent pas les politiciens reconvertis en fils de pub. Les sarcasmes fusent. Ainsi, le tn-tweeple Arabasta1 invective-t-il un parti tunisien connu pour ses recettes de basse cuisine électorale : «selon vos estimations, combien va vous couter chaque voix (TTC, sandwichs & affiches pourries incluses) à l'AC» ?
Il n’empêche. La pub devient de plus en plus imaginative en Tunisie. Il ne manquerait plus que des petits malins distribuent gratuitement des fournitures scolaires (ou même les jouets de l’Aid) arborant «fièrement» le logo de tel ou tel parti à moins que les marques de macaronis, ne les devancent, et ne se saisissent de l’opportunité de marquer les jeunes esprits. Et vu la guerre que se livrent nos opérateurs des télécoms, il ne serait pas surprenant que l’un d’entre eux propose des appels à 0 millime, à condition qu’ils soient entrecoupés de messages publicitaires. Auxquels cas, ils réussiront même à se faire du fric, mais sans faire payer leurs malheureux abonnés cette fois-ci. C’est dire que malgré ses aspects spectaculaires, la pub est visiblement encore à ses débuts en Tunisie. Les stratèges de l’occupation du temps de cerveau disponible sont sans équivoque : vous n’avez encore rien vu !
En Europe, certains cafés louent les espaces (jusqu’ici bêtement inoccupés) juste au dessus des pissotières, aux annonceurs. De quoi capter le regard de ces messieurs pendant qu’ils font leurs besoins. Comme quoi la pub, on n’y échappera plus, même en ces lieux dits «de repos». Une vérité bien sentie qui n’empêchera pas nos concitoyens de continuer à se délecter des spots de pubs, à table, pendant le ramadanesque dîner.
Marwene El Gabsi