Tunisie : La bataille de la transparence à l'Assemblée Constituante
Mercredi, 09 Mai 2012 08:00

7ell-tunisieTribune. Début janvier 2012, un groupe de citoyens, jeunes pour la plupart, avait lancé une campagne de sensibilisation incitant l'Assemblée Nationale Constituante à faire preuve de transparence et d'ouverture au public tout au long du processus de rédaction de la constitution. C'était la fameuse campagne #7ell, ouvre, plaidoyer pour une assemblée ouverte et transparente, où l'information appartient au citoyen et non à ses représentants.

L'idée a fait son chemin. Des députés l'ont soutenue et adoptée allant jusqu'à placer sur leurs pupitres, lors d'une plénière, des pancartes #7ell appelant à inclure la transparence et l'accès public à leurs travaux dans l’hémicycle dans le règlement intérieur de l'Assemblée.

Le résultat fût l'adoption dans ce règlement intérieur de plusieurs articles en faveur de la transparence. Notamment l'article 54 stipulant que le travail des commissions soit public, et l'article 62 qui exige la publication des rapports des commissions sur le site Web de l'assemblée. Tous les espoirs étaient alors permis.

Blackout total
3 mois plus tard, le combat de la transparence au sein de l'Assemblée paraît loin d'être gagné. S'il est vrai que les journalistes assistent aux travaux des commissions et rapportent quelques bribes des délibérations sur les pages des journaux et au journal de 20h, il n'en reste pas moins que le citoyen averti qui chercherait à s'informer sur le déroulement de ces travaux se retrouve rapidement confronté à un blackout total. Impossible de trouver l'information. Trois rapports de commissions seulement ont été publiés sur le site de l'Assemblée. Aucun PV de réunions des commissions ne s'y trouve. Ces réunions sont enregistrées et archivées sur des disques (enregistrements audio). Mais le citoyen n'a aucune possibilité d'accéder au contenu des délibérations, et ce, pour de multiples raisons. Lesquelles ? Le manque d'effectifs, surement. Mais peut-être aussi, le manque de compétences et d'expérience et une organisation décousue. Et pourtant, il ne s'agit dans les faits que d’une très simple opération : le scannage et la publication régulière des documents sur un site web. Quels sont donc les véritables obstacles ?

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A ce stade, on est en droit de s’interroger sur la volonté politique. Et visiblement, bon nombre de nos députés n'ont pas encore intégré la notion de transparence. Certains y verraient même une ingérence dans leurs «affaires», voire une atteinte à leur intégrité. D'autres n'y accordent pas une quelconque importance, la considérant comme une question secondaire qui ne mérite pas qu'on y consacre temps et ressources. Plus grave : certains paraissent encore attachés au modèle fermé d'une bureaucratie paternaliste héritée des années 60 : nous connaissons mieux (we know better), le citoyen n'a qu'à nous faire confiance, il n'y comprendra rien à toutes ces choses «compliquées» de toute façon. Mais tout n'est pas perdu.

La pression de la société civile
Le combat continue, et la pression s’accentue, exigeant une plus grande ouverture, en un mot, la transparence. L'espoir vient de la société civile et des actions citoyennes, et peut-être même de certains députés qui y croient. Une initiative telle que le site Marsad.tn réalisé par l'association Bawsala en est un exemple. Les responsables de cette initiative sont présents quasi-quotidiennement aux côtés des députés au sein même de l'hémicycle, et font tout pour avoir accès aux documents et données relatifs aux travaux de l'Assemblée. Certains députés, pas nombreux, les leurs ont fournis, et ces documents sont disponibles sur le site Marsad.tn. Une autre association, le Bus citoyen (http://www.buscitoyen.com/) a essayé de faire le même travail de suivi des travaux des commissions constitutionnelles, mais a dû abandonner face au manque de coopération de la part des députés.

Le groupe de citoyens, OpenGovTN (http://www.opengov.tn), qui compte parmi ses adeptes une trentaine d'élus, travaille actuellement sur plusieurs actions qui ont pour cible l'exigence de l'application des principes de transparence au sein de l'AC. Se basant sur le décret-loi n°41 du 26 mai 2011 sur l'accès aux données administratives, une demande officielle sera envoyée au président de l'Assemblée lui demandant de fournir tous les PVs et autres documents des commissions, ainsi que les rapports des votes des députés en sessions plénières. La demande devrait être accompagnée d'une campagne médiatique agressive de sensibilisation et de pression. Le groupe OpenGovTN, à l'aide d'associations de la société civile, envisage même, en dernier recours, de faire appel à la justice en cas de refus de l'Assemblée de fournir et de publier les informations et données demandées.

La bataille de la transparence sera certainement de longue haleine. Faire évoluer la culture d'une société où l'opacité a été érigée en règle par le leadership politique pendant plus de 50 ans est un énorme défi. Mais il mérite d’être relevé.

Houssein Ben-Ameur

Tunisie : La bataille de la transparence à l'Assemblée Constituante
 

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