Mercredi, 24 Juillet 2013 02:47

marzoukiTribune. «Nos enfants envoyés faire leurs études à l’étranger avec l’argent de la collectivité préfèrent rester dans le pays d’accueil et ne reviennent qu’en touristes». Ces propos ont été tenus en substance par le président de la République, Moncef Marzouki , le lundi 22 juillet. Voici la réaction de l’un de nos lecteurs.

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Les propos du président de la République m’ont interpellé. J’ai été en effet l’un de ces fils de la Tunisie, de ceux que la patrie a envoyé à l’étranger, suivre des études tous frais payés dans les meilleures universités. Des études, dieu merci, couronnées de succès, puisque je suis parvenu à décrocher mon diplôme d’ingénieur auprès de l’Ecole Polytechnique, à Paris.

La Révolution a suscité les espoirs les plus fous. Comme tant de Tunisiens, j’y ai cru. Je suis rentré dans l’idée de rendre à mon pays une infime partie de ce qu’il m’a offert. Je suis revenu en Tunisie après avoir travaillé dans les plus grandes banques parisiennes, et accumulé une expérience, un savoir-faire, que je voulais faire fructifier dans ma terre natale. Que d’illusions perdues.

En créant ma société, j’ai pourtant recruté de jeunes compétences locales, les ai formées, aux plus strictes normes de qualité. Des ingénieurs tunisiens, qui ont accompli l’intégralité de leur cursus en Tunisie, et qui n’ont aujourd’hui rien à envier en termes de technicité aux exigences européennes les plus pointues.

Des efforts qui auraient été totalement vains, si ce n’étaient les quelques clients étrangers que nous avons réussi malgré tout à convaincre. Le comble du paradoxe. J’aurais au moins appris qu’un Tunisien en Tunisie peut en effet avoir plus de chances de décrocher des marchés européens que de percer au niveau local. J’ai appris, en me frottant à nos dures réalités, que les marchés ne sont pas nécessairement attribués au moins disant, ou au plus performant.

corruption

C’est que les anciens réseaux continuent de fonctionner, et paraissent même avoir été renforcés après le 14 janvier. Comme si en l’absence des Trabelsi, les vrais patrons de l’économie pouvaient enfin librement danser, sans avoir désormais à partager. Les mêmes mains «invisibles» (qui n’ont pourtant rien à voir avec celle d’Adam Smith), occupent encore le terrain, et contrôlent un marché déjà de nature exigüe. Empêchant de facto toute nouvelle idée, toute nouvelle entreprise ambitieuse d’émerger. En définitive, il s’agissait donc soit de se plier à leurs conditions, en rentrant dans leurs «calculs», soit de dégager.

Le problème, au-delà de mon modeste cas particulier, c’est que les PME représentent (et de loin) le premier employeur en Tunisie. Et ce sont de telles initiatives, de tels projets, qui sont donc à même de donner le plus d’espoir à nos jeunes fraichement émoulus de l’université. Une question d’autant plus cruciale, que durant le premier trimestre de cette année 2013, nous comptons au bas mot plus de 230 900 chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur.

Or dans ces conditions de non-transparence, qui continuent de prévaloir dans la Tunisie de l’après Révolution, qui va donc les embaucher ? Quel investisseur, pourra-t-il encore miser dans un contexte où les accointances passent avant les compétences ? Quel retour sur investissement espérer quand les dés sont pipés d’avance ? La reddition des comptes, l’une des principales revendications de la Révolution a fini par être tournée en dérision, avant d’être jetée aux orties par des politiciens remisant au placard leurs promesses d’avant les élections.

D’ailleurs l’Etat ne s’y trompe pas, lui, puisque l’Agence Tunisienne de Coopération Technique (Atct) se charge méthodiquement de trouver des débouchés extérieurs à nos forces vives inoccupées. En clair, ce ne sont donc pas les cerveaux qui fuient la Tunisie : c’est l’Etat qui les exporte.

Désolé M. le président. Ce n’est pas en touriste que je suis revenu en Tunisie. Comme tant d’autres, je suis revenu pour apporter ma petite pierre à l’édifice, que l’on espérait reconstruire ensemble. Mais le constat est amer. Et j’envisage aujourd’hui sérieusement de quitter ce pays qui m’a tout donné. Avec pour seul regret, d’avoir été empêché de lui offrir en retour ma connaissance, et toute ma reconnaissance.

K.H

«Désolé M. le Président. Ce n’est pas en touriste que je suis revenu en Tunisie»
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