Mercredi, 30 Janvier 2013 12:55

censure en TunisieC’est en tous cas ce que semble indiquer le classement 2013 publié par Reporters Sans Frontières Ainsi, la Tunisie est-elle classée 138 ème, perdant 4 places par rapport à l’édition précédente, alors que l’Emirat gazier pointe à la 110 ème position progressant ainsi de 4 rangs.

Pour le moins paradoxal, quand on sait que le Qatar s’est récemment illustré par la condamnation à la prison à vie, d’un poète qui a eu le malheur de clamer en vers, «Nous sommes tous la Tunisie». Mais cela ne semble pas déranger outre mesure RSF. L’Emirat a même gagné 4 places par rapport à l’année dernière, alors que la Tunisie, elle, a reculé d’autant de positions.

Faut-il voir dans ce classement quelques penchants pro-qataris de Robert Ménard, l’ex-fondateur de l’organisation ? Non. Même si M. Ménard a cru bon de démissionner en 2007 de son organisation, après avoir notamment eu une entrevue avec la Cheikha Mozza, la sémillante deuxième épouse du Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, l'émir du Qatar.

Robert Ménard, devenait ainsi, dès avril 2008, le directeur général du Centre de Doha pour la liberté des médias, en s’attirant les bonnes grâces de la femme de l’émir, qui, rapporte Télérama, «s’engageait, à travers sa fondation, à mettre sur la table plusieurs millions de dollars».

Mais cela n’a certainement aucun rapport avec le rang de la Tunisie et ce classement 2013, puisque Robert Ménard n’est en tout état de cause, plus le secrétaire général de RSF, depuis le 26 septembre 2008. C’est Jean-François Julliard, qui lui succédera à la tête de l’ONG à partir de cette date. Et on peut difficilement le soupçonner de sympathies pro-qataries.

RSF face au Benalisme
rsfC’est que M. Julliard n’est pas inconnu des services de sécurité tunisiens. En février 2001, il est arrêté à Tunis par la police politique de Ben Ali, et expulsé de Tunisie pour avoir distribué quelques numéros de «Qaws el Karama», le mensuel censuré et interdit, concocté par Jalel Zoghlami, le frère du non moins célèbre Taoufik Ben Brik. C’est dire que Jean-François Julliard connaît bien notre pays, puisqu’il inaugurera le premier bureau de RSF en Tunisie en octobre 2011, le premier et le seul que l’organisation aura ouvert dans le monde arabe.

Le 20 mai 2011, il écrira sur son blog, à la suite d’un de ses séjours dans notre pays :

«Dans certaines radios, les dirigeants - fervents défenseurs de Ben Ali avant le 14 janvier - se vantent d'être aujourd'hui les vrais révolutionnaires, ceux grâce à qui la liberté de la presse existe en Tunisie. Pour la plupart, ils ne sont pas journalistes, n'ont jamais pratiqué ce métier et n'ont pas l'intention de commencer aujourd'hui. (…) Et ceux-là tiennent à l'écart les bons éléments, tirant vers le bas la qualité de l'information».

On remarquera effectivement, qu’il est plus difficile, dans la presse tunisienne d’après la Révolution, de critiquer les dérives de certains médias et de quelques patrons de presse enrichis sous Ben Ali, que de descendre en flammes le gouvernement. Ce ne sera pourtant pas l’explication fournie par le rapport de RSF pour expliquer la dégringolade tunisienne dans ce rapport 2013.

christophe-deloirreA noter qu’entretemps, c’est Christophe Deloire qui a pris la direction de RSF en juillet 2012, un journaliste d'investigation qui s’est notamment illustré par la publication d'un livre sur les mœurs sexuelles des hommes politiques français. Le site de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris, précise même qu’en 1998, il intègre le service Sexologie de l’hebdomadaire Le Point. Ce qui rendra sans doute plus «croustillantes», les enquêtes et autres classements de RSF.

Et au final, voici comment l’ONG considère l’évolution de la liberté de la presse en Tunisie :

«Les agressions de journalistes se sont multipliées au cours du premier trimestre de 2012 ; depuis, les autorités ont entretenu le vide juridique en retardant la mise en œuvre des décrets-lois régissant les médias. Pratique qui a rendu possible des nominations arbitraires à la tête des organes publics. A souligner le discours le plus souvent méprisant, voire haineux, des hommes politiques envers les médias et professionnels de l’information». Des explications solides et documentées, que nul ne songera à remettre en cause dans la profession, qui assiste en effet à un regain d’une répression qui ne dit pas son nom.

A contrario, on remarquera pourtant que dans ce rapport 2013, aucune explication n’est fournie pour justifier la 110 ème place du Qatar, et encore moins pour la 114 ème position d’une autre pétromonarchie, en l’occurrence celle des Emirats Arabes Unis, également classée loin devant la Tunisie.

Et curieusement, un Etat comparable à celui de la Cheikha Mozza, à savoir le Sultanat d’Oman (141 ème), est placé à peine trois places derrière la Tunisie. Même si le rapport souligne que «près de 50 net-citoyens et blogueurs omanais ont été poursuivis pour ‘crimes de lèse majesté’ (…) et pas moins de 28 ont été condamnés au cours du seul mois de décembre, à l’issue de procès méprisant les droits de la défense».

Du coup, on sera moins surpris de voir la dictature héréditaire du Gabon classée 89 ème, le Mali victime d’un putsch militaire 99 ème, caracolant loin devant notre pays. La presse gabonaise sous Ali Bongo, digne fils de son dictateur de père, est ainsi considérée comme étant plus libre que celle que l’on suit en Tunisie en 2013. Cherchez l’erreur.

Oualid Chine

La presse plus libre au Qatar qu’en Tunisie ?
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