Mardi, 02 Octobre 2012 13:35

hannibal«Hannibal Barca, l’histoire véritable», marquera peut-être un tournant dans notre manière d’appréhender notre héritage historique, en tant que Tunisiens, et légataires de Carthage. Ce livre sorti de l’imprimerie en pleine Révolution, alors que l’histoire immédiate de la Tunisie se mettait en ordre de marche, ne sera pas exempt de fulgurantes prémonitions.

Parce que cet ouvrage écrit par Abdelaziz Belkhodja et édité par Apollonia ne se contentera pas d’être un beau livre, richement illustré, tel ceux conçus pour décorer les bibliothèques bourgeoises. Il s’agit d’un véritable document historique, fruit des recoupements et des recherches d’un essayiste dont l’obsession carthaginoise est attestée par ses nombreux romans, ses textes, ses contributions qui s’abreuvent aux sources mêmes de la Tunisie Antique.
«Hannibal Barca, l’histoire véritable», est abondamment documenté, avec en prime des schémas des principales batailles d'Hannibal, et des plans détaillés du fameux port militaire punique. Un port dont la datation effectuée par des archéologues britanniques dévoilera les artifices et l’étendue de la désinformation commise par des historiens à la solde des Romains, les adversaires séculaires de Carthage.

La Bataille de Zama n’a pas eu lieu
La Bataille de Zama, selon les historiens qui se basent essentiellement sur les sources romaines, les seules existantes, aurait permis à l’armée de Scipion l’Africain d’écraser définitivement Hannibal. Zama, cette tragique défaite d’Hannibal, aurait donc permis aux Romains de dominer sans appel la Cité de nos ancêtres. Une version des faits que l’on aura nous-mêmes longtemps avalée sans trop nous poser de questions. Et voici que Belkhodja intervient.

hannibal-barcaL’écrivain commencera par s’interroger sur la localisation de cette ville de Zama, qui fut le théâtre d’une défaite très lourde de conséquences : «Pourquoi, de toutes les grandes batailles de l’histoire militaire mondiale, Zama est-elle la seule que l’on n’arrive pas à situer» ? Aucun historien n’est en effet parvenu à déterminer précisément ce lieu, alors que toutes les grandes batailles antiques ont été localisées. Comment expliquer, dès lors, que les Romains n’aient pas érigé un arc de triomphe, un temple, ou tout autre monument destiné à glorifier Zama, cette bataille qui leur a permis d’effacer la déshonneur de leur écrasante défaite de Cannes ? Et comment expliquer qu'aucun écrivain ni historien postérieur n'ait situé cette cité alors que Rome a occupé la région durant des siècles!

Belkhodja poussera encore plus loin la réflexion en se basant sur la nouvelle datation du port militaire punique qui, selon les travaux réalisés par une mission d’archéologues britanniques date du II eme siècle avant J.-C., et donc après le traité énonçant la défaite de Carthage. Le problème ? Ce port pouvait contenir 220 navires de guerre alors que le traité de paix en question stipulait que les Carthaginois ne pouvaient détenir plus de 10 bateaux militaires. Or ce port immense ne pouvait échapper à la vue des Romains et de ceux qui espionnaient pour leur compte. Comment donc justifier la construction d’un immense bâtiment destiné à accueillir les navires de guerre carthaginois alors que la glorieuse cité punique était censée avoir déjà capitulé ?

En posant les bonnes questions, Belkhodja contribuera à dévoiler les artifices et l’étendue de la désinformation commise par des historiens à la solde des Romains, les adversaires séculaires de Carthage. Sans que la majorité des spécialistes tunisiens n’aient jugé utile d’émettre jusqu’ici des critiques sur une présentation des faits guère désintéressée, réalisée par des auteurs comme Tite-Live et Polybe qui étaient partie prenante dans une guerre aux conséquences historiques incalculables.
A cet égard, M. Yozan Mosig, professeur aux Etats-Unis à l’Université Nebraska-Kearney, ne se privera pourtant pas de confirmer la crédibilité de l’hypothèse défendue par Abdelaziz Belkhodja. M. Mosig, dont les travaux sur Hannibal font autorité, se déclarera «en accord avec la thèse de Belkhodja» soulignant qu’il est «très probable que la Bataille de Zama n’a jamais eu lieu».

Les corrompus d’hier et d’aujourd’hui
kheireddine-pachaAu final, il apparait que les véritables responsables de la défaite de Carthage sont les oligarques carthaginois eux-mêmes, puisqu’ils ont préféré négocier avec l’ennemi et composer avec l’envahisseur, plutôt que de laisser les Barcides remettre en cause leur pouvoir corrompu.
En somme, ce qui apparait en filigrane dans cette épopée historique, c’est que le phénomène des Trabelsi ne date pas de la Tunisie d’aujourd’hui. Combien de traitres pour un Hannibal ? Combien de félons pour un Jugurtha ? Combien de vendus pour un Moncef Bey ?
Ibn Abi Dhiaf, lui, nous apprendra que c’est d’abord les détournements de fonds et la corruption des ministres tunisiens comme Mahmoud Ben Ayad et Mustapha Khaznadar qui nous mèneront à la dépendance financière, puis, en 1881, au protectorat français. Peut-on oublier que ce sont ces mêmes personnages qui auront poussé Kheireddine Pacha à l’exil, quelques millénaires après celui d’Hannibal ? Et voici que plus d’une année après le déclenchement de la Révolution, le voile n’est pas encore tout à fait levé sur la dernière Régente de Carthage et de ses affidés. Pardonnés, recyclés, les voici à reprendre du poil de la bête, et prétendre une nouvelle fois jouer les premiers rôles.

L’Histoire des Nations ne serait-elle qu’un éternel bégaiement ? Faut-il se résoudre à voir Hannibal mourir une seconde fois dans l’exil, et Kheireddine Pacha se retourner dans son tombeau que l’on vient juste de retrouver ? Il serait dommage de laisser le temps effacer les dernières traces de notre mémoire. Mais il serait criminel de ne pas tirer de notre Histoire, des leçons pour la Tunisie d’après la Révolution. Nous devons bien ça à Hannibal.

Oualid Chine

Tunisie : Hannibal vaincu par les Trabelsi de Carthage
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