Le Pôle moderniste lance «Sammaa soutek» sur les réseaux sociaux, son clip-vidéo chic et choc aux sonorités rock. Une chanson qui se veut engagée, donc, et qui est diffusée quelques jours après «Ennti sout» le tube dédié aux élections. C’est dire que la campagne électorale commence en fanfare, et en avant la musique !

La chanson officielle du Pôle est l’œuvre de Mohamed Ghadhab. Au générique du clip, on aura remarqué la comédienne Fatma Saidane. On pourrait être surpris par le choix de la musique, quand on sait que la chanteuse Amel Hamrouni, de la troupe de Gabès, fait partie des plus fervents supporters du Pôle. On aurait donc pu imaginer que c’est à elle que reviendrait l’honneur de mettre en musique l’hymne polaire. Pour une chanson plus au diapason des attentes populaires des masses de la gauche tunisienne. Sinon, les poèmes magistralement mis en musique par l’ensorcelante  Badiâa Bouhrizi, autre scintillante militante du pôle, auraient pu briller par leur qualité, sans pour autant se détacher complètement des sonorités bien de chez nous.

Il n’empêche. On aura noté que l’alliance polaire, rassemblant des partis attachés aux valeurs de la modernité, a su capter l’intérêt des milieux culturels. C’est effectivement autour de cette coalition que se sont ralliés une bonne partie des artistes, comédiens, cinéastes, chanteurs tunisiens. Le résistant Nouri Bouzid, par exemple, qui a, au passage bien connu les geôles de Bourguiba, arbore fièrement l’étoile polaire sur la photo de son compte Facebook. Pour rappel, l’homme s’était fait physiquement agressé, après avoir été à plusieurs reprises violemment pris à partie par un rappeur extrémiste. Comme quoi la musique, d’une manière ou d’une autre reste au centre des enjeux politiques. Quitte à contribuer à la bipolarisation de notre société tiraillée par des tendances contradictoires, et traversée par la lame de fond identitaire.

Mais les paroles de «Sammaa soutek» commencent à résonner. Même si la rythmique entraînante de l’ensemble, prendra à coup sûr à rebrousse-poil, les tenants d’une approche plus traditionnelle. Un coup de promo, donc, finalement bien dans la ligne d’un mouvement qui veut donner résolument de la voix pour défendre les libertés de croyance et de conscience qu’il estime malmenées par la tournure prise par les événements et l’actualité. Reste à poser cette ultime question d’ordre strictement musical : le rock est-il vraiment la musique la plus représentative de la modernité tunisienne ?    

Souheil M'rad