Samedi, 30 Mars 2013 19:19

Bourguiba en burnousC’est peu dire que Bourguiba a souffert pendant ses treize années maintenu dans l’isolement sous résidence surveillée, à Monastir. On apprend aujourd’hui que le vieux lion de l’Indépendance Tunisienne a sorti une nouvelle fois ses griffes contre celui qui le maintenait emprisonné.

Trois ans après le coup d’Etat médical de 1987, il portera plainte, le vendredi 2 février 1990 contre Ben Ali. Il aura fallu qu’un journal tunisien déterre l’affaire, plus de 23 ans plus tard, pour que cette affaire soit portée à la connaissance du public. De novembre 1987 au 6 avril 2000, aucun bonimenteur, nul hagiographe attitré ne soufflera un mot sur les tourments de ceux qu’ils nommaient pourtant le «Combattant Suprême».

Le vieil homme a été éloigné des siens, maintenu dans l’isolement, sous la surveillance policière permanente de la dictature, sans que ceux qui font aujourd’hui d’Habib Bourguiba leur fond de commerce politique, ne s’en émeuvent outre mesure. Les plus roublards feront même fructifier leur nouveau portefeuille ministériel, changeant d’allégeance comme de chemise.

Habib Bourguiba en burnous

Terrorisé par l’ombre de Bourguiba, Ben Ali a même tenté d’escamoter les funérailles du premier président de la Tunisie indépendante.  Les photos que les journaux ont montrées le lendemain de l’enterrement, mettaient en scène un vieillard diminué, affaibli, au visage creusé par l’âge. Comme s’il fallait exorciser la superbe du vieux lion, et la peur qu’il continuait d’inspirer. A croire que le dictateur craignait de l’entendre rugir du fond de son tombeau.

statue de Bourguiba à ParisLa France, ne se décidera de se pencher sur la mémoire de son «grand ami», cet homme qui conservait la photo de Pierre-Mendès France sur son bureau de Carthage, qu’en avril 2004, avec une esplanade baptisée en son honneur, à Paris. Et c’est neuf ans plus tard, le jour de la Fête de l’Indépendance, qu’une statue de Bourguiba sera cérémonieusement inaugurée en France. Alors que les festivités seront honteusement expédiées en Tunisie. Ceci expliquant sans doute cela, le nouveau pouvoir s’étant rendu coupable d’être plus sensible aux charmes de la Cheikha Mozza qu’aux «lumières» parisiennes.

Entretemps, le Palais de Skanès, le Mausolée du Zaim à Monastir, tombaient en ruine, sans que nul responsable, nulle figure «bourguibiste» ne songe à évoquer sa restauration. Ceux qui prétendent voler le burnous de Bourguiba avaient manifestement d’autres priorités. Et il aura fallu attendre une initiative de la présidence actuelle, pourtant empêtrée dans ses contradictions, et un autoproclamé héritage yousséfiste, pour qu’un projet de Musée Bourguiba voit le jour.

Et voici que des politiciens se servent aujourd’hui du «Combattant Suprême» comme d’un néon rouge clignotant, destiné à attirer les derniers clients dans un bouge de nuit. Les spécialistes de la réclame politique croient ainsi pouvoir solder à peu de frais leurs comptes avec l’Histoire, en recyclant une image tombée dans le domaine public, faute d’héritiers légitimes, tandis que leurs adversaires, font de la figure du «Zaim» un repoussoir.

Aujourd’hui, Habib Bourguiba, l’un des plus importants symboles du nationalisme tunisien est vilipendé par des obscurantistes, récupéré par des opportunistes. Son héritage, avec ses lumineuses fulgurances, mais aussi sa part d’ombre, peut prêter à controverse. Mais sa mémoire, elle, appartient à tous les Tunisiens. Et c’est à eux seuls de séparer le bon grain de l’ivraie.

Oualid Chine

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Voler le burnous de Bourguiba
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