Jeudi, 16 Février 2012 14:00

presse-censureLa photo publiée à la une d’Attounissia, a valu au quotidien l’arrestation immédiate, en ce mercredi 15 février, de trois de ses journalistes. Ce type de photo est pourtant monnaie courante dans les magazines européens. Faudrait-il, dès lors, les interdire d’entrée en Tunisie ?

Ou mettre en place une commission spéciale chargée de feuilleter les journaux en questions, pour chercher s’il n’y  a pas de pages avec des photos quelque peu dénudées, avant de permettre leur distribution ?

A tort ou à raison, la nudité est largement exploitée et utilisée par les médias internationaux. Les publicitaires instrumentalisent le corps féminin, pour faire la promotion de yoghurt, de voitures, ou d’autres produits de consommation courante. Or ces pubs abondent dans les magazines féminins occidentaux. Faudrait-il donc ne plus permettre la distribution de revue comme «Elle», «Vogue», «Cosmopolitan» ? Faudrait-il censurer «L’Express», «Le Point», «Le Nouvel Observateur» s’ils contiennent des photos ou des insertions publicitaires jugées olé-olé ?

A défaut de les interdire, on pourrait mettre en place une cellule chargée de masquer à coups de gros marqueur noir, les parties intimes que l’on ne saurait montrer sans choquer les plus pudibonds. Et il y en aura du boulot, vu le nombre de ce photos dans les magazines internationaux. De quoi embaucher à plein temps quelques dizaines de milliers de chômeurs diplômés. Ils auront désormais de quoi s’occuper : ils bifferont, ratureront, colorieront au feutre noir, les seins que l’on ne saurait voir.

Ils protègeront du même coup les mœurs tunisiennes de l’influence délétère et corruptrice de l’Occident décadent. Pis : des magazines féminins (y compris tunisiens) traitent désormais de sujets censés être tabous ayant trait au sexe : faudrait-il les saisir, pour contrevenir à la morale publique ? Ou s’agit-il uniquement de censurer des photographies, et non des textes ? Il faudrait ici attirer l’attention des gardiens des bonnes mœurs, que les photos s’étoilent mais les écrits restent. Et l’influence des textes risque d’être bien plus profonde et durable que celle des photos.

Embauche en perspective pour les diplômés en lettre. Ils seront désormais chargés de lire toutes les publications, même les plus petits encadrés. Il ne faudra rater aucune ligne. Qui sait. Le Diable se cache dans les détails. Une petite phrase à l’apparence anodine peut recéler quelques sous-entendus salaces. Auquel cas, les équipes de lecteurs intransigeants transmettront leurs trouvailles à leurs collègues du service de coloriage.

Mais… La littérature même dans nos pays de culture arabo-islamique, regorge d’allusions érotiques. Les Mille et Une nuits, le Jardon parfumé du Cheikh Nefzaoui (bien tunisien celui-ci, comme son nom l’indique), l’œuvre de l’écrivain égyptien Ibrahim Sonallah (qui ne risque pas de s’entendre avec son compatriote Wajdi Ghanim)… Il y aurait donc de quoi faire des autodafés publics, de jolies flambées pour la prochaine Achoura. Ou mieux : on pourrait aussi envoyer des tonnes de papier aux régions durement frappées par la vague de froid. Les journaux inconvenants, la littérature subversive pourrait ainsi servir de combustible à des zones en manque de gaz et d’électricité. A moins que l’arrestation des journalistes d’Attounissia n’ait déjà réchauffé le cœur de nos concitoyens transis.

Marwene El Gabsi

Faut-il interdire les journaux étrangers en Tunisie ?
Bannière
Bannière

Annonces

Suivez-nous !

MagZik

Top 5 de la semaine

    Vos amis apprécient...

    You are here: