Mercredi, 26 Novembre 2014 11:17

Jusqu’ici, l’alliance Marzouki-Ghannouchi ne paraissait fonctionner que dans le cadre d’une stricte hiérarchie, établie au lendemain des élections d’octobre 2011. Or un éventuel succès du candidat-président pourrait laisser augurer d’un grand chambardement, au risque de déplaire à Caid Essebsi, mais aussi à Ghannouchi.

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Si Ennahdha ne s’est officiellement prononcée en faveur d’aucun candidat, voici qu’il lui est reproché d’avoir secrètement soutenu Marzouki, et même d’avoir mis son appareil à la disposition de sa campagne présidentielle. Caid Essebsi a même ouvertement affirmé que c’est grâce aux islamistes que son principal concurrent a pu atteindre un tel score, soit 33,43%, (à 6 point de celui du candidat de Nida Tounes). Ennahdha est donc clouée au pilori, et accusée d’avoir trahi son engagement de neutralité. Sauf que ces affirmations à l’emporte-pièce cachent une réalité plus complexe.

Peu de temps avant le déclenchement de la campagne électorale, bon nombre de dirigeants Nahdhaouis (et de tout premier plan), ont publiquement laissé apparaître leur animosité envers Marzouki. Samir Dilou, comme Abdelfattah Mourou n’ont pas été avares en critiques à l’égard de leur partenaire. Et ils ne sont pas les seuls. Ainsi, Lotfi Zitoun s’est-il illustré par ses piques acérées visant Adnan Manser. Le duel à fleurets mouchetés entre l’homme-lige de Ghannouchi et le directeur de la campagne présidentielle de Marzouki a même été largement commenté par une presse prompte à faire flèches de tout bois quand il s’agit de descendre en flammes l’homme qu’elle adore détester.

On aura également remarqué que les principaux médias ont paru ces derniers temps épargner le parti de Rached Ghannouchi pour concentrer leurs tirs groupés sur le président de la République en exercice. Pis : même des journaux appartenant à la galaxie Nahdhaouie ont multiplié les critiques envers le président de la République, accusé de «populisme révolutionnaire» (thawrajia). Le temps étant au «dialogue et à la réconciliation», depuis les accords noués dans un salon à Paris.

Seulement voilà : la base d’Ennahdha, et a fortiori son électorat (900 000 voix aux législatives), n’ont pas attendu les consignes pour se décider à voter en masse en faveur de Marzouki. Et au-delà de la volonté affichée de faire profil bas, la décision de ne pas présenter de candidat aux élections présidentielles est aussi motivée par une réalité première : si l’appareil d’Ennahdha a prouvé sa puissance, aucun dirigeant de ce mouvement n’est assez populaire pour prétendre rassembler les Tunisiens autour de son nom. Depuis l’avènement de la troika au pouvoir, aucun ministre d’Ennahdha n’a réussi à percer durablement à l’échelle nationale pour s’imposer en tant que personnalité incontournable du paysage politique.

Pis : les dernières manœuvres de Rached Ghannouchi et les négociations menées en catimini  avec Caid Essebsi n’ont pas eu l’heur de plaire aux militants islamisants de base. Des voix critiques se sont élevées dans son propre camp, l’affublant même du sobriquet de «cheikh Tactique». Dans ce contexte, Marzouki apparaît (à tort ou à raison), comme l’homme de la situation, celui qui relève le défi et ne craint pas la confrontation, à l’heure où les gourous islamisants se perdent dans les compromissions.

Jusqu’ici, l’alliance Marzouki-Ghannouchi ne paraissait fonctionner que dans le cadre d’une stricte hiérarchie, établie sur la base des résultats des élections d’octobre 2011. Le grand frère Nahdhaoui a donc pu donner le la, et imposer sa loi. Or un éventuel succès du candidat-président pourrait laisser augurer d’un grand chambardement. Si Marzouki parvient à se faire élire, il disposera en effet de tout le poids politique que lui conférera le suffrage universel. Dans cette optique, si le nouveau rapport de force ne conviendra certainement pas à Caid Essebsi, il n’est pas sûr qu’il soit vraiment apprécié par Ghannouchi.

Moez El Kahlaoui

Ennahdha soutient-elle vraiment Marzouki ?
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