Vendredi, 06 Février 2015 06:00

Tribune. En pleurs, en larmes et en sueur, nous nous sommes réveillés, un certain 6 février 2013, au terrible son des détonations. Nos yeux regardaient, incrédules, le sang rouge-révolution, qui coulait dans le siège droit d’un véhicule poussiéreux devant la résidence du martyr. Par Mohamed Slim Ben Youssef

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« Je voudrais rendre grâce à celui qui peut-être a été mon premier et mon unique maître ».
C’est ainsi que commence la chanson de feu Georges Moustaki, « Le droit à la paresse », qu’il dédiait à l’âme de Paul Lafargue. Quant à moi, je voudrais rendre grâce à quelqu’un qui, lui, n’est pas mort de son propre choix. Une personne à laquelle on a si lâchement usurpé la vie à coup de balles et d’arme à feu. Je maudis d’ailleurs, au passage, l’inventeur des armes à feu. Je maudis ce confectionneur de la mort, ce créateur de l’horreur, ce producteur du malheur, cet industriel de la peur, cet artisan de la terreur, celui qui nous a initiés à une danse macabre sur le chant funèbre des détonations assassines. Comme je maudis l’acte abject et sournois d’un certain motard qui s’est servi de cette même arme à feu pour créer l’événement tristement indélébile de notre mémoire.

En sursaut, en pleurs, en larmes et en sueur, nous nous sommes réveillés, un certain 6 février 2013, au terrible son des détonations. Nos yeux regardaient, incrédules, le sang rouge-sang, rouge-révolution, rouge-amour, qui coulait dans le siège droit d’un véhicule poussiéreux devant la résidence du martyr. Notre candeur nous portait à espérer un prompt rétablissement, une possibilité de guérison, à vouloir croire qu’il ne s’agissait que d’une blessure, grave certes, mais pas mortelle. Ô candeur quand tu nous tiens !

Ingénus et naïfs du monde, réveillez-vous ! Vous n’êtes pas dans un conte de fées dans lequel l’aboutissement est toujours heureux, ni dans un classique de Walt Disney se couronnant avec la victoire du protagoniste principal. Vous êtes, mesdames et messieurs, jeunes humains au sang rouge et au cœur palpitant, dans un pays de désillusion. Vous habitez l’antre des déboires successifs. Vous résidez dans la planète Terre, amis et compagnons de route. Qu’est-ce que la terre ? Disons que c’est une planète bien ronde, bien lotie, bien aérée, bien irriguée, bien ensoleillée, bien chaude, bien riche, bien faite, favorisée, vivable, confortable, accueillante, chaleureuse, généreuse, belle, charmante, aimable et capable d’amour mais qui, fort malheureusement, a été sanctionnée, en guise de reconnaissance et d’extrême gratitude, par une espèce polluante, ingrate, irrévérencieuse, tendancieuse, sournoise, barbare, violente, virulente, meurtrière, meurtrière, meurtrière, meurtrière. L’Humanité.

Il y a exactement deux ans de cela, une énième démonstration de la perfidie humaine, confinée quelque part dans les méandres obscurs de notre civilisation barbare, éclata au grand jour dans le quartier d’El-Menzah. Une honte que les plus brillants oxymores ne pourront suffire à décrire. Une honte d’être un Homme, une honte d’exister, une honte de naître et d’avoir à subir les tracasseries d’un monde fatiguant, ébranlant, douloureux.

Dans cette matinée du 6 février, on a assassiné un Homme. On a tué, de sang froid, nonchalamment, prématurément, un guide, un agitateur invétéré, un gourou de la révolution, un promoteur d’espoir, un porteur de lumière. On a déchu un Lucifer. On a condamné un Prométhée à un châtiment cruellement éternel, éternellement cruel. On a assassiné probablement le devenir d’un pays. On a vraisemblablement mis à sac un avenir radieux. On a plausiblement détruit un processus de changement, de révolution, de transformation d’un pays et, par conséquent, d’un monde. Un autre monde était possible. Il ne l’est plus. L’Histoire est finie. La géographie est finie. L’Homme s’éteint. L’espoir ? C’est de l’histoire ancienne. La révolution ? Elle appartient à un temps révolu.

Cependant, c’est de la rage que renaît l’espoir. C’est dans la colère qu’on puise la détermination. C’est de la tristesse que les âmes s’aguerrissent, les esprits s’aiguisent, la bataille reprend de plus belle. Marchons, marchons. La révolution ? Rien n’est perdu, on peut la poursuivre. Marchons, marchons. L’espoir ? Il renaît comme le phénix renaît de ses cendres. Marchons, marchons. L’Homme rejaillit. Marchons, marchons. La géographie se reconstitue. Marchons, marchons. L’Histoire continue son cours. Marchons, marchons. Un autre monde est toujours possible. Marchons, marchons. Le processus de changement est repris. Marchons, marchons. L’avenir radieux se profile pour nous, damnés de la terre. Marchons, marchons. Nous continuons notre marche soutenue et infatigable, inépuisable, solidaire et forte de nous-mêmes, vers notre devenir. Marchons, marchons. Notre guide l’a toujours préconisé. Les échos de son réquisitoire sonnent toujours dans nos oreilles. Nous sommes légion, nous sommes la horde sauvage affamée, nous sommes les douze salopards, nous sommes la brigade de la damnation, nous sommes l’adresse du changement, nous sommes un, nous sommes tout. Nous sommes Chokri, et c’est en son nom que nous continuons le combat.

Nous sommes Chokri, nous sommes son combat
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